Logement étudiant : Domofrance accélère la cadence


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 31/10/2018 PAR Romain Béteille

Déséquilibre remarqué

Le problème est connu depuis quelques temps déjà. Sur la métropole bordelaise, à chaque rentrée universitaire, c’est le même casse-tête pour les milliers de jeunes venant faire leurs études sur place : trouver un logement. Avec la hausse annuelle des effectifs, le problème est devenu plus préoccupant ces deux dernières années : selon l’Unis, le nombre de logements mis sur le marché locatif serait en baisse de 34% par rapport à 2017. Identifié par les pouvoirs publics et par le personnel universitaire, le phénomène reçoit des réponses diverses. Le dispositif régional « Un deux toit », par exemple, propose une solution d’hébergement pour les jeunes chez des particuliers pour environ 300 euros par mois et une quinzaine d’euros la nuit. Mais la concurrence d’Airbnb, bien que régulée depuis cet été par la mairie de Bordeaux, est rude, et nombreux sont les propriétaires préférant louer sur ce type de plateformes, plus rentables.

L’association ensemble2génération permet de mettre en contact des étudiants et des personnes âgées et isolées le temps d’une année scolaire depuis 2013, pour environ une trentaine de binômes en 2018. Une nouvelle résidence étudiante a récemment été inaugurée sur le campus de Pessac, et d’autres devraient suivre dans les années à venir, notamment grâce à la dévolution du patrimoine universitaire qui devrait être signée en 2019. Mais les pouvoirs publics semblent avoir tout le mal du monde à équilibrer la balance ! à la rentrée 2018, on comptait 65 000 étudiants de plus sur tout le territoire. En 2017, on en comptait 15 000 de plus uniquement sur le secteur de la métropole bordelaise. De son côté, le Crous propose 10 200 places sur toute l’académie de Bordeaux (son but est d’arriver à 12 000 en 2020). 

Un objectif multiple

Depuis quelques semaines, un bailleur social a décidé de mettre les mains dans le cambouis. Son nom : Domofrance. Sa proposition : 1015 logements neufs d’ici 2021 (ce qui représente un investissement de 71 millions d’euros sur les 220 millions investis par Domofrance annuellement dans la construction de logements neufs) regroupés autour d’une marque dédiée, baptisée Yellome. Leur but est simple : cibler un public précis, comme cela avait déjà été fait, par exemple, avec Exterra pour les logements sociaux en 2013. Et leur cible est claire : il s’agit des 35% des primo-demandeurs d’un logement social qui ont moins de 30 ans en Nouvelle-Aquitaine. Yellome a ouuvert une agence dédiée depuis le 4 octobre dernier cours d’Albret à Bordeaux et cette dernière répond à une stratégie et une volonté de « quasiment doubler l’offre de logements jeunes » en région d’ici 2021. Francis Stephan, directeur général de Domofrance, se projette même plus loin :  « il y a différents segments dans les profils stratégiques auxquels nous devons répondre et il y a des problématiques qui méritent une identification spécifique », affirme-t-il. « C’est le cas des publics jeunes autour desquels il y a une très forte attente sur l’agglomération et plus globalement sur la région Nouvelle-Aquitaine. Nous avons une offre qui commence à prendre de l’ampleur en volume, il nous a donc semblé qu’il fallait lui donner une identité et un vrai repérage politique. Nous avons à peu près 1200 logements à disposition de ces publics sur des produits dits « spécifiques », sans parler des colocations en logements familiaux. Notre souhait sous quatre ans, c’est de multiplier notre offre par 2,5″.

Les promesses d’assouplissement de l’offre par la loi Elan et la promesse du « choc de l’offre » d’Emmanuel Macron étant depuis passées par là (de même que la création d’un Etablissement Public Foncier régional), les craintes des bailleurs sociaux soulignées lors des débats autour du projet de loi de finances il y a quelques mois ne semblent plus d’actualité. « Le projet de loi du gouvernement censé permettre la production de 60 000 logements étudiants et la loi Elan nous donnent des souplesses sur ces publics. Nous souhaitons être labellisés « résidence universitaire » sous la marque Yellome pour nous en donner encore plus. Concrètement, ça veut dire qu’on pourra libérer un logement sous huit jours, qu’on peut avoir des baux courts et qu’on est plus en phase avec la mobilité de ces publics, qu’ils soient étudiants, jeunes actifs ou alternants. On attend les décrets, mais ça nous permettra d’échapper aux commissions d’attribution et de gagner rapidement en réactivité ». La réactivité, c’est bien là le sésame du marché : à chaque type de population ses priorités, d’où la volonté de regrouper étudiants, jeunes actifs ou alternants dans un même dossier pour des séjours s’étalant d’un à vingt-quatre mois selon la durée du contrat. Ces logements seront en individuel ou en colocation et vont du T1 de 18m2 au T2 de 25m2, meublés avec des espaces communs (cafétéria, laverie, ect.).

Les parcs vont être répartis entre Bordeaux (132 logements jeunes actifs et 370 logements étudiants d’ici 2021), Lormont (90 logements jeunes actifs) et Cognac (75 logements jeunes actifs), mais pas uniquement, comme le précise Francis Stéphan. « On a livré un programme important sur Périgueux (247 logements/places d’hébergements),  on étudie un dossier sur la côte basque pour les écoles d’ingénieur, un autre sur Pau. Les politiques publiques tendent vers une augmentation de l’alternance et l’apprentissage. On compte 17 000 apprentis sur la métropole, c’est très bien mais encore faut-il les loger. On est saisis par la Chambre des métiers et la CCI sur les foyers jeunes travailleurs et on va aussi y répondre. On étudie un gros dossier à Lormont pour la création de 90 places ». Le tout à des loyers moins chers que dans le privé (environ 390 euros charges comprises sans APL, soit entre 150 et 200 euros tout compris). Sur la recette secrète de l’équation, Domofrance reste vague : « nous bénéficions de financements sociaux bonifiés par la Caisse des dépots (Prêt locatif social). On travaille à marge zéro ».

Prévisions à la hausse

Face à la hausse constante de la demande, l’effort programmé de Yellome n’est évidemment pas censé tout résoudre. « La métropole nous dit qu’il manque 32 000 logements pour ces publics là à des prix abordables. Si j’en fais 1000 ou 2000, je suis loin du compte mais pour autant c’est ce que nous permet l’accès au foncier aujourd’hui et ça nous semble extrèmement important. Ce qu’on ne peut pas accepter, ce sont des jeunes qui dorment dans leurs voitures ou qui renoncent à des études supérieures à Bordeaux(…)Nous avons du retard, c’est vrai. Le « choc d’offre » n’est pas au rendez-vous puisque la demande de logements ne l’est pas sur certaines agglomérations tandis que sur d’autres territoires il y a des logements vides. Il y a des zones en perte de vitesse.  La grande difficulté pour les élus, c’est d’anticiper ces sujets et de maîtriser le foncier. Les prix montent et c’est de plus en plus difficile d’arriver à sortir des programmes dans des prix acceptables », tempère Francis Stéphan.

« On ne peut pas loger des étudiants à 700 euros pour une chambre de bonne. Il faut trouver les points de régulation entre l’attractivité de la métropole et une offre qui a du mal à suivre la pression de la demande. Nous essayons de jouer notre rôle en augmentant notre volume de production. Le marché privé absorbe une grande partie du logement étudiant. Il faut donc accélérer le plus possible la création de nouveaux logements de type Yellome sur ce marché ». L’université, qui a fait du logement étudiant l’une de ses priorités dans son nouveau foncier, devrait constituer la prochaine grande étape à laquelle Domofrance affirme « être attentive ». Nul doute que la balance entre les opérateurs publics et privés y sera scrutée à la loupe. En attendant, Domofrance, tout comme les autres bailleurs et le Crous, auront fort à faire, car l’effectif étudiant n’a pas prévu de baisser : selon les prévisions du ministère de l’éducation nationale effectuées en avril 2017, on pourrait compter 238 000 inscriptions supplémentaires entre 2015 et 2025 dans les universités françaises.

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