Reportage: A Marans (17) un premier Grand Débat National en demi-teinte


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 20/01/2019 PAR Anne-Lise Durif

« J’allais les voir régulièrement, pour   dialoguer avec eux. Ils ont toujours été constants, denses et tolérants », explique Thierry Belhadj, qui a été un des premiers maires du département à mettre en place les cahiers de doléances, dès le 1er décembre 2018. S’il affirme ne pas avoir eu de casse à déplorer sur sa commune, il dit aussi avoir « entendu le désespoir » de ses administrés. « Mais comme je dis toujours, c’est facile de faire des constats. Qu’est-ce qu’on fait après ? Maintenant, il faut crever l’abcès et avancer dans un esprit républicain.» Il a donc pris la responsabilité d’organiser lui-même l’un des Grands Débats, en s’appuyant sur les fiches actions (des questionnaires, nldr) proposées par le gouvernement.  Thierry Belhadj a retenu 4 thématiques (lire ci-dessous) se rapprochant le plus des doléances de ses concitoyens.

Un débat entre raison et colère

La première des 4 réunions thématiques, organisée le 18 janvier, portait sur la démocratie et la citoyenneté, avec une fiche action de 33 questions. Cette première initiative a rassemblé une petite quarantaine de personnes dans la salle municipale attenante à la mairie : des Marandais, Gilets Jaunes ou non, mais aussi des habitants de l’agglomération rochelaise et de la Vendée, venus « voir comment ça se passe », en vue d’organiser des réunions sur leur territoire.

Parmi les questions : « En qui avez-vous le plus confiance pour vous représenter dans la société et pourquoi ? » ; « Que faire pour renouer le lien entre élus et citoyens ?» ; « Le mandat unique est-il une bonne chose ? » ; « Faut-il introduire la proportionnelle et sur quelles élections ? » ; « Faut-il avoir recours au référendum ? », etc.

Le débat s'est tenu le 18 janvier dans la salle municipale de Marans

Difficile de résumer un peu plus de trois heures de débat, partagées entre raisonnements rationnels et saillies de colère contenue. Plusieurs réponses sont revenues de façon récurrente dans la bouche des participants. Comme les besoins des citoyens d’être écoutés par leur gouvernement, aussi bien dans les débats, dans les votes, que dans la vie quotidienne auprès des administrations et autres services de l’Etat. Le respect de la représentativité lors des élections fait partie des revendications principales, assortie d’une demande de reconnaissance de la proportionnelle et du vote blanc. Les participants ont également insisté sur le besoin de respect du choix du peuple une fois prononcé et un besoin d’être entendu lors des revendications, notamment lors des manifestations. « On n’en serait pas là aujourd’hui si Macron avait réagi dès le lendemain de la première manifestation », dit un Gilet Jaune.

Si la défiance vis-à-vis de ceux qui nous gouvernent est bien là, elle reste nuancée selon leur statut et leur proximité du terrain. La confiance dans les maires perdure globalement, mais de manière générale les participants attendent plus d’exemplarité de la part de leurs élus. Ils aimeraient notamment davantage de transparence et de retours sur les actions de leurs députés, une baisse de leurs salaires et de quoi garantir plus de diversités dans les profils des Parlementaires et futurs élus du gouvernement. Ils revendiquent également plus de transparence dans les finances publiques, en particulier sur les dépenses.

 « Moi, j’en veux pas aux gens. C’est le système qui a un problème », résume un homme. « Macron a été élu avec 25% des voix de 15% des inscrits, donc je ne le trouve pas légitime. Le problème d’aujourd’hui, c’est qu’on a l’impression qu’une seule personne là-haut décide de tout, sans prendre l’avis de la majorité ». « Il faut renverser la pyramide », renchérit un autre, « c’est à nos maires et à nos députés de dire au président quoi faire et non l’inverse ». Ils sont plusieurs à trouver que le contre-pouvoir joué normalement par l’Assemblée n’est plus là. Certains proposent des élections de mi-mandat, comme aux Etats-Unis. Globalement, il ressort une demande très forte de consulter davantage la population, notamment via des constitutions de comités citoyens et des référendums, voire des référendums d’initiative citoyenne (RIC) tels que proposés par les Gilets Jaunes. Les participants ont exprimé également à plusieurs reprises l’importance de remettre de l’éducation à l’école et davantage d’humain dans le service public. « On veut du respect, de l’entraide, de la tolérance et du vivre ensemble », déclarent plusieurs femmes arborant la chasuble jaune.

Un sentiment d’être manipulé

Plusieurs questions ont suscité de la méfiance parmi les participants, qui ont exprimé à plusieurs reprises leur sentiment d’être manipulés par des formulations de questions fermées tout en restant très généralistes. « Elles correspondent à des points du projet de loi qu’est en train de préparer Macron », analyse un homme. « Il veut nous faire valider son programme pour mieux justifier les décisions qu’il va prendre seul, et ça, moi, ça me fait peur ! » renchérit un deuxième, pendant que les autres acquiescent. Parmi les questions qui les ont particulièrement interpellés : « Faut-il donner aux associations et aux organisations syndicales plus de pouvoir ? » « La question me dérange », dit un troisième participant, « à mon sens, le fond de la question, c’est est-ce que les syndicats doivent toujours exister ou disparaitre. Ce n’est pas à nous de décider ».

Le questionnaire distribué aux participants


Plusieurs questions ont même été jugées « hors sujet », notamment concernant l’immigration et la place de la laïcité : « Ca ne faisait pas partie de nos revendications », dénoncent plusieurs Gilets Jaunes, « Ce n’est pas qu’on refuse de débattre de la question ou qu’elle n’est pas importante. Il y a simplement d’autres choses plus essentielles aujourd’hui. De plus, ce sont des sujets trop complexes pour qu’on puisse y répondre juste par oui ou par non en 5 min. »

Vers d’autres réunions publiques

Ce premier débat s’est achevé sur un sentiment en demi-teinte, entre le contentement d’avoir pu s’exprimer dans un cadre officiel et la frustration suscitée par l’encadrement des questions. Pour le maire Thierry Belhadj, l’essentiel est d’avoir pu permettre une première libération de la parole. Le prochain Grand Débat aura lieu le 25 janvier à 20h au même endroit, sur la thématique de l’organisation de l’Etat et des services publics. Très attendue, la thématique de la fiscalité et des dépenses publiques devrait faire le plein le 1er février à la Salle Polyvalente (19h). Après une réunion sur la transition énergétique (le 8 février à la salle des fêtes), Thierry Belahdj envisage déjà une 5e et une 6e réunion, en fonction des demandes de ses administrés. « A mon sens, la « boîte à outils » du Grand Débat proposé par le gouvernement est incomplète, il manque des thématiques abordées par les Gilets Jaunes dans leurs revendications comme la formation professionnelle », constate-t-il, « Mais nous avons le temps d’y remédier puisque nous avons jusqu’à fin février pour faire remonter les demandes de débats à l’Etat, puis jusqu’au 31 mars pour les organiser ». Il ressort également de cette soirée qu’un débat sur le pouvoir d’achat serait aussi le bienvenu.

En savoir plus sur l’organisation du Grand Débat : www.granddebat.fr/Grand-Débat/2019


Et ailleurs…

  • A La Rochelle. Le maire Jean-François Fountaine les avait promises lors de ses vœux. Onze réunions sont prévues dans chacun des quartiers, entre le 30 janvier et le 22 mars.
  • A Rochefort. Les réunions sont en cours d’organisation.
  • A Saintes. Rien de prévu pour l’instant, mais une salle a été mise à disposition des Gilets Jaunes pour se réunir, depuis les débuts du mouvement.
  • A Royan. La Ville n’organise rien, mais le maire Patrick Marengo se dit prêt à apporter son soutien logistique aux particuliers qui voudraient organiser un débat.
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