Médecins Sans Frontières a 40 ans, Rony Brauman raconte


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 18/01/2012 PAR Solène MÉRIC

« En 40 ans, MSF a énormément changé dans les modalités pratiques, mais pas tant que ça sur l’état d’esprit. La motivation des jeunes reste stable. A l’époque on devait largement improviser car les codes étaient très souples et quasi inexistants ; chacun accommoder l’action à sa sauce. Les aventures sur le terrain ne manquaient pas d’intérêt pour les volontaires, mais pour ceux que l’on tentait d’aider, l’efficacité n’était pas toujours au rendez-vous… Depuis il y a eu une réelle évolution vers l’efficacité et le professionnalisme… Désormais les gens sont plus encadrés, il y a moins d’initiatives mais plus de résultats. » Un professionnalisme que la création de la plateforme logistique de Mérignac, un des moments « très importants de l’histoire de MSF » a d’ailleurs grandement participé à réaliser. Citant en exemple le séisme d’Haïti, Roni Brauman est catégorique « sans le matériel, les tentes, les boites, la climatisation, fournis par la plateforme, ça aurait été impossible à traiter ».

« 1991, la première grande urgence internationale pour MSF »
Autre moment fort de l’histoire de MSF : la prise en charge sur la frontière Turque de 400 000 Kurdes fuyant les bombardements de Saddam Hussein en mars 1991, la première grande urgence internationale gérée avec succès par l’ONG… « Nous avions mis en place des ponts aériens avec 70-75 avions durant 3 semaines ! 200 personnes étaient mobilisées sur une huitaine de sites dans une zone de montagne. C’était la première fois que l’on couvrait une grande urgence dans des conditions politiques et matérielles difficiles. Les Turcs étaient réticents mais, on a bien joué : on s’est installé, on leur a parlé poliment mais sans vraiment demander d’autorisation, et au final ils nous ont acceptés. Arrivés les premiers sur place, c’était enthousiasmant de voir ce déploiement ! On s’est dit qu’on avait franchi une étape importante pour l’organisation. C’était à mi-parcours, MSF avait 19 ans. »

« La guerre du Congo, une situation cauchemardesque »

Mais en 40 ans les « french doctors » ont aussi subi de graves échecs. « Le pire de tous, et je pèse mes mots, c’était en 96-97 lors de la guerre du Congo. Les forces zaïroises de Mobutu chassaient les rwandais de façon impitoyable. On a compris que nos officiers de liaison étaient en quelque sorte « les pisteurs » de l’arméepour la traque des rwandais. Il y a eu des milliers et des milliers de morts… La situation était tragique avec une absence totale de solution. Soit on s’abstenait et on laissait ces gens dans des situations épouvantables, soit on agissait et c’était une autre forme d’épouvante qui les attendait… C’était une situation cauchemardesque, le pire évènement que l’humanitaire ait connu dans toute son histoire… »

Les syndromes d’intoxication: l’intuition d’un nouveu fléauAffiche créée par MSF à l'occasion des 40 ans de l'organisation
Quant à l’avenir, l’ancien président de l’ONG, trop prudent pour les prédictions, suggère pourtant quelques axes de travail à envisager. La flexibilité d’abord. « Il faut que l’on conserve notre capacité à nous ajuster à des situations variables en restant très attentif à la réalité. Et pour ça il faut une fonction de veille importante ». Ensuite, « l’exode rural qui s’accélère dans les pays du Sud » doit être pris en compte. Jusque-là « activité de brousse », l’action humanitaire doit intégrer de nouveaux profils logistiques et hospitaliers adaptés aux grands centres urbains.Enfin, « il va aussi falloir compléter notre savoir-faire médical par un volet de médecine environnementale ». En effet, l’utilisation d’armes non conventionnelles et l’existence de décharges industrielles sauvages cause de plus en plus de problèmes d’intoxication par métaux lourds. « Mais ce sont des questions politiques très chargées car elle touche des quantités d’argents phénoménales liée aux économies sous-terraines, à la mafia ou aux armées… Bref, c’est facile d’en parler mais c’est autre chose d’en traiter concrètement… » Cela dit depuis 40 ans, l’ONG ne parie pas sur la facilité de sa tâche.

Photo: Aqui.fr

Solène Méric

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