Point de vue – Nicolas Hulot se jette à l’eau


Michel Queyraud
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 29/08/2018 PAR Michel Queyraud

Penser l’écologie comme un simple argument politique revient à nier une réalité dramatique car mortifère. Entre promesses et réalité, la véritable question qui se doit d’être posée peut se résumer ainsi : peut-on construire une société mondialisée ultra consummériste où la dérégulation des échanges nourrit un capitalisme débridé, tout en maintenant un équilibre écologique durable et profitable aux générations à venir ? La réponse est sans aucun doute : non. Non car le court termisme fracasse tout bonnement le durable. Le profit a tout son temps, mais il est urgent de le cueillir. Le contraire de la biosphère qui elle, a toujours pris le temps de se régénérer, au prix du sacrifice des espèces inadaptées.

Nicolas Hulot restera pour certains un OVNI politique. Beaucoup lui reprocheront son parcours, ses avoirs ou même son style mais l’homme a eu le courage “de ne pas se résigner, de ne pas s’accommoder des petits pas alors que la situation universelle au moment où la planète devient une étuve, mérite qu’on se retrouve, qu’on change de paradigme…” Le temps des illusions est donc terminé. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Quand le Président
Macron lui propose un poste de ministre d’Etat, Hulot l’accepte, pensant probablement que ce statut lui permettra d’arbitrer au mieux des décisions gouvernementales sous le prisme de l’écologie dont il est un représentant crédible et populaire, y compris pour les sphères scientifique et philosophique. Y’a-t-il cru vraiment ? Là n’est pas la question. Mais tel le cheval de Troie, il s’est positionné à l’intérieur avec un titre qui n’avait jamais été octroyé à un écologiste pur jus. Déjà en 92, quand il prête sa plume à l’éclatant discours de Chirac en ouverture du 4ème Sommet de la
Terre de 2002, il fait le constat que ces paroles ne sont que des mots. L’heure des désillusions avait déjà sonné pour lui. Mais en tant que Ministre d’Etat, il tente le coup.

“Business as usual”
Quand 14 mois plus tard il pointe le nucléaire, le CETA, le glyphosate ou encore la croissance, il ne fait qu’évoquer ce qui aujourd’hui est devenu la doxa ultra-libérale : les profits au détriment du durable. S’émerveiller devant un porte-conteneurs de 50.000 boites ou spéculer sur les matières premières, c’est affamer un peuple quelque part dans le monde. Délocaliser puis importer, c’est tirer l’humanité vers le bas en la mettant en concurrence avec elle-même. Les cartes se distribuent à un niveau où le politique, y compris dans nos soi-disant démocraties, n’a pas voix au chapitre… ou pratique la corruption passive. Nicolas Hulot le dénonce quand il évoque le lobbying. Bruxelles et ses 30.000 lobbyistes, ou quand l’écologie devient un simple obstacle à franchir. “Business as usual” comme le disent les inventeurs du capitalisme moderne.

Ainsi Nicolas Hulot reprend sa liberté. Continuera-t-il à éveiller les consciences, à fissurer les croyances ? Lui seul le sait. Sa démission illustre de plus belle la supercherie d’une gouvernance non pas au service premier des citoyens, coupables de se déplacer librement et de vivre de bonne foi, mais au service de puissances voraces à qui nos représentants confient le futur de notre humanité. Et pour revenir sur nos terres girondines, la réaction d’Alain Juppé “saluant la noblesse et la hauteur de vue” de Nicolas Hulot, nous fait presque oublier les bientôt 30.000 semi-remorques quotidiens de la rocade bordelaise, avatar de cette mondialisation débridée. Les politiques sont responsables des caps mais l’histoire les désignent bien trop souvent comme coupables des plus terribles naufrages.
Merci quand même d’être passé, Monsieur Hulot.

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