« Nos aînés confinés » (5/5) : Jeanne et André Moreau confinés mais pas seuls


Ingrid Coursaud
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 18/04/2020 PAR Julien PRIVAT

Ce vendredi matin, c’est Ingrid Coursaud, aide-soignante au SSIAD (Service de soins infirmiers à domicile) du CCAS (Centre communal d’action sociale) de Poitiers qui vient rendre visite à la famille Moreau. André et Jeanne ont 89 ans. Ils vivent dans un quartier de l’Ouest de Poitiers, en face d’un lycée, à proximité d’un terrain de sport. Par leur fenêtre, en ce moment, le couple ne voit plus vraiment d’activités. Le quartier paraît en sommeil. Ces octogénaires restent cloîtrés à leur domicile pour éviter tout contact avec l’extérieur. « Tant que nous sommes tous les deux, avec ma chère et tendre, ça se passe bien », résume André avec un trait d’humour. Cependant les Moreau semblent avoir conscience qu’ils ont la chance de voir chaque jour une aide-soignante qui se rend à leur domicile. « Il n’y a pas de problème, nous avons compris, nous voyons que la situation est particulière en ce moment. Les aides-soignantes viennent aves des masques sur le visage. Nous sommes pleinement satisfaits par leur service », indique l’octogénaire.

S’adapter, changer les habitudes
Effectivement Ingrid Coursaud, aide-soignante, le confirme. Depuis le début du confinement et la diffusion de la pandémie de Covid-19, elle a dû s’adapter tout en continuant au maximum les soins. « Nous avons changé quelque peu nos habitudes, explique-t-elle en visioconférence. Nous avions déjà auparavant à disposition des flacons de gel hydroalcoolique pour nous laver les mains. Désormais, nous mettons des gants, des masques. Mais surtout il faut respecter une distance avec les personnes que nous visitons. C’est un peu compliqué parfois. Il y a des choses qui peuvent manquer, comme le fait de serrer la main. Mais nous faisons avec ». Et lorsqu’on lui demande si ses patients ne sont pas surpris par toutes ces mesures, elle répond logiquement : « Vous savez, ils regardent la télévision, suivent les informations. Ils ont bien réagi au port du masque, ils le comprennent bien ». Sachant qu’en plus, ce n’est pas la première fois que le personnel en arbore. Les aides-soignantes du SSIAD en mettent déjà lorsqu’elles sont elles-mêmes malades.

Les Moreau sont accompagnés depuis 2017 par le service des soins infirmiers à domicile du CCAS de Poitiers pour une aide aux soins d’hygiène. En ce temps particulier de crise sanitaire, les visites des aides-soignantes à leur domicile sont bien vécues, sachant qu’en plus, leurs deux enfants n’habitent pas à proximité. « L’un est à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et l’autre à Cholet (Maine-et-Loire). Nous ne pouvons plus les voir en cette période, nous sommes un peu isolés », précise André. Pour sa femme, Jeanne, « les aides-soignantes sèment des fleurs là où elles passent. Nous les remercions infiniment. Nous apprécions beaucoup leur abnégation ». André confirme : « C’est vrai que nous sommes confinés depuis bientôt un mois, nous sommes bien contents quand elles viennent ». D’autant qu’André souffre d’un handicap qui l’empêche de monter les escaliers de sa maison. C’est souvent à ce moment-là que le monte-escalier choisit de tomber en panne. « Quelqu’un va venir le réparer dans la journée. On verra une personne de plus », André Moreau ne manque pas d’humour. Encore moins, lorsqu’on demande leur âge. « Nous sommes comme neufs, nous n’avons jamais servi. Nous sommes nés en 1931 tous les deux… » Soit 89 ans. Quand aux courses du quotidien, madame et monsieur Moreau bénéficient de l’aide alimentaire mise en place par des associations de quartier qui leur apportent les produits, une fois par semaine. Car Jeanne et André, l’ont bien compris, ils évitent les sorties.              

La continuité d’un service indispensable
A Poitiers, le SSIAD se compose d’une équipe de « quarante aides-soignantes et trois infirmiers coordinateurs pour 177 places dont 171 dédiées aux personnes âgées et 6 pour les personnes en situation de handicap », apporte comme précisions Christine Rambaud, responsable du SSIAD qui dépend du CCAS de Poitiers. Depuis le début du confinement, les équipes continuent de fonctionner. « Il y a moins de personnel. Certains agents restent à domicile parce que ce sont des personnes à risque, d’autres gardent leurs enfants. Nous avons été amenés à diminuer le nombre de passages. Certaines familles ont pris le relais. Mais nous essayons d’ajuster au maximum via les remontées de la cellule de veille ou des appels des infirmiers coordinateurs s’il y a des inquiétudes ou que des situations sont amenées à se dégrader », poursuit Christine Rambaud. Concrètement en chiffre cela se traduit par « 17 tournées au lieu de 20 chaque jour. Nous avons essayé de maintenir les interventions des personnes qui ont des besoins essentiels », complète Valérie Jourdain, directrice du service personnes âgées et personnes handicapées au CCAS de Poitiers.

Du côté des infirmiers coordinateurs, ils passent désormais l’essentiel de leur temps en communication téléphonique. Parmi eux,  Philippe Abonneau qui confirme que depuis le 17 mars et le début du confinement son travail a quelque peu été modifié. « Il a changé de part l’éloignement. Il n’y a plus aucune visite de routine à domicile. La communication se fait via téléphone. Mais nous restons particulièrement attentifs à tous les éléments qui peuvent inquiéter. Nous répondons à beaucoup de questions et fournissons des explications. Nous devons également soutenir le personnel qui est en première ligne et qui est présent quotidiennement auprès des usagers. Il arrive que nous augmentions et restituions des passages de personnel le cas échéant s’il y a une nécessité ». Le SSIAD n’a pas eu besoin de renfort supplémentaire depuis le début du confinement lié à la pandémie de Covid-19. Cependant des personnes se sont présentées d’elles-mêmes. « Il y a eu une solidarité au sein des différents services du CCAS, confie Christine Rambaud, on a développé des partenariats pour les courses quotidiennes, notamment avec des associations de quartier. Des aides-soignantes retraitées nous ont fait savoir qu’elles se tenaient à disposition si besoin, tout comme des étudiants infirmiers qui assurent parfois des remplacements. En cas de difficultés, on a des noms à notre disposition et on peut mobiliser plus de personnes ». Même s’il y a des doutes chez certaines personnes qui ont présenté des symptômes, pour l’instant aucun usager ou professionnel n’a été atteint pas le Covid-19. « On croise les doigts pour que ça reste comme cela », espère Valérie Jourdain.

Une chose est certaine, les personnes âgées apprécient cette visite quotidienne du personnel du SSIAD du CCAS de Poitiers. Pour elles, il s’agit surtout d’un contact avec le monde extérieur et d’éviter de se sentir toujours un peu plus isolé. André et Jeanne l’ont clairement dit. Ils attendent souvent avec impatience le passage de « leurs dames ». A 89 ans, ils ne paraissent pas forcément paniqués par cette situation inédite et particulière. Inquiets, sans doute, mais le respect des gestes barrières les rassurent et finalement c’est un sourire qui se lit sur leur visage comme sans doute beaucoup de personnes âgées qui voient le personnel du SSIAD de Poitiers leur rendre visite.


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« Nos aînés confinés » (1/5) : Linestie, pour garder le lien

« Nos aînés confinés » (2/5) : Les bailleurs sociaux à l’écoute

« Nos aînés confinés » (3/5) : leur parole sur les ondes

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