Notre Conte de Noël: de Nere à Cannellito, le fils de Cannelle…


Delphine Devos
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 17/12/2010 PAR Olivier Darrioumerle

Il était une fois l’histoire de Nere, un ours né en France de parents slovènes. Ses parents avaient en quelque sorte été importés. Sa maman, Ziva, avait été introduite dans les Pyrénées centrales lors de la première vague de repeuplement en mai 1997. On l’avait appelé Nere à cause de sa fourrure car elle était particulièrement noire, plus noire que celle des autres oursons. Les autres, c’étaient les petits de Pyros, le mâle dominant de la région. Nere n’avait jamais connu les Alpes juliennes; il aimait les forêts pyrénéennes, mais certains disaient comme ça qu’il n’était pas de souche, qu’il ne s’acclimaterait jamais et qu’il ne plairait pas aux ourses du terroir, ne se reproduirait pas. Lui se fichait pas mal de la couleur de sa fourrure et comme tous les oursons de son âge, il était plus intéressé par le goût des myrtilles que par le charme des femelles. Alors, du matin au soir, il arpentait la forêt, dodelinant naïvement du popotin.
Mais un jour, tandis qu’il cueillait du miel dans un tronc, d’étranges picotements se mirent à le remuer de partout, dedans sa grosse carcasse d’ours. Dès qu’il desserrait la mâchoire, s’arrachaient des grognements lancinants quirésonnaient dans la vallée. Alerté par ces grondements qui faisaient trembler le feuillage des arbres, Pyros, le mâle dominant, traversa la forêt; il se dressa devant le jeune Ours. Bien planté sur ses pattes, le vieil ours avançait, lentement. Nere grommelait, reculant au même rythme. Soudain, comme au signal, les deux mâles se percutèrent sur leurs deux pattes. On aurait dit une valse de balourds tellement ils tournaient maladroitement, enlacés l’un contre l’autre. Mais c’était une danse funeste qui débutait. Une lutte de crocs qui déchiraient les parties faibles, les unes après les autres jusqu’à la soumission. Sans plus se toucher, ils se tournaient autour. En biais ils se toisaient encore. Le jeune ours baissa la tête préférant l’exil à la mort.
C’était le début de son errance dans les montagnes pyrénéennes, mangeant ça et là des châtaignes et des glands, des framboises et des myrtilles. Lorsqu’il croisait une brebis égarée, c’était le festin.Un jour, alors qu’il se frottait le dos contre un arbre, une odeur animale portée par une brise estivale lui titilla le museau. Un chatouillement légèrement excitant qui devint rapidement affreusement désagréable. L’ours arracha le tronc qui lui servait de grattoir et coucha le buisson dans lequel il se nourrissait. Pistant l’odeur qui l’avait réveillé de sa torpeur, Nere se mit aussitôt à trottiner dans la vallée. Il faisait route vers l’ouest, obéissant à son instinct. Au détour d’un ruisseau, il retrouva cette odeur, cette boule de poil nommée Cannelle. Elle était toute petite, pas plus haute qu’un arbuste. Elle était la dernière ourse des Pyrénées et elle l’accepta, lui, Nere, l’ours noir de gênes slovènes. L’accouplement était possible car elle l’avait choisi. Le bel animal pouvait enfin transmettre son génome. De cet accouplement bestial, naquit un joli petit ourson. C’était en hiver, dans une grotte bien sombre, il s’appelait Cannellito. Sous la tutelle de sa mère il apprit à tenir en équilibre. Au premier papillon, Cannelle et son ourson sortirent de la grotte.
Toute seule, elle affrontait les attaques d’abeilles tirant à elle la ruche qu’elle logeait directement dans sa gueule. Du miel plein le museau, le petit se nourrissait en lui léchant les babines. À l’automne, l’intrépide ourson crânait devant sa maman, sautant dans les fougères, d’une belle course droite. Mais à l’âge où il découvrait les jeux que pouvait contenir la nature, des chasseurs en colère nettoyaient leurs fusils. Entre deux coups de rouge, un coup de feu. Ce jour là, après le pic-nic,talki walki en bandoulière, chacun guettait à son poste. Quand Cannelle déboula avec son ourson, poursuivi par de vilains cris, une décharge la faucha. Prostré dans un cours d’eau boueux, le petit Cannellito échappait à la traque. Aujourd’hui l’ourson est devenu grand, et dans ses veines coulent toujours, le sang du dernier ours pyrénéen.

photo Delphine Devos 

Olivier Darrioumerle

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