Nouvelle journée de mobilisation pour les salariés de Ford Blanquefort


RB
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 16/09/2019 PAR Romain Béteille

« Balkany est en prison, c’était un peu une surprise. On se dit qu’il peut y en avoir une autre demain ». On a l’impression que peu importe la situation, pas grand-chose ne pourra venir altérer la gouaille de Philippe Poutou, porte-parole du parti NPA et des salariés de l’usine Ford de Blanquefort, dont la production s’est définitivement arrêtée en juillet dernier. Le 4 juillet, pourtant, la cour d’appel de Bordeaux avait confirmé le non-respect de l’engagement formulé par le constructeur américain de maintenir 1000 emplois sur site entre 2013 et 2018. Une décision symbolique, mais pas une victoire pour autant puisque deux jours plus tôt, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux s’était déclaré incompétent à juger le bienfondé économique de la fermeture de l’usine FAI. Le syndicat CGT ayant fait appel, l’ultime jugement est attendu dans la journée du 17 septembre à une heure encore non-précisée. « On essaie de faire en sorte que la justice prenne position avant que les licenciements ne soient effectifs de manière à ce que la conséquence logique de la déclaration d’inégalité des licenciements soit l’interdiction à Ford de licencier pour relancer une discussion sur une reprise d’activité, autrement dit obliger Ford à revendre leur usine à un repreneur ». Début septembre, l’agence Moody’s a abaissé la note de solvabilité financière de Ford en raison de l’incertitude de son vaste plan de restructuration en cours en Europe et en Amérique du Sud prévoyant une suppression de 12 000 emplois en Europe et la fermeture de six usines d’ici fin 2020.

Contexte tendu

L’usine Ford de Blanquefort n’est pas le seul site en difficulté menacé de fermeture. Même si la France a enregistré en 2018 plus de créations d’usines que de fermetures (malgré un net ralentissement de l’activité sur les derniers mois de l’année), les cas d’Arjowiggins (trois usines réparties dans la Sarthe et dans l’Aisne) de Peugeot (Doubs), d’Ibiden (Loiret), de CKB Connectivity (Sarthe) ou d’Ascoval dans le Nord pèsent sur le climat social et les épaules de Bercy. Localement, cependant, le leader syndical Philippe Poutou affirme que la décision attendue ce mardi 17 septembre est loin d’être la dernière. « Quelle que soit la décision, les actions en justice vont continuer. On ne lâchera pas Ford même si on est virés et que l’usine ferme définitivement. On est partis pour plusieurs années de bataille judiciaire. On est en train de faire des recours auprès de l’organisation internationale du travail par rapport aux conventions sur les licenciements. On est aussi à Strasbourg en train de mener des batailles auprès de la Charte Sociale Européenne. On voudrait faire avancer les choses et tout ce qu’on pourra grappiller sera ça de gagné pour nous et pour les autres ». Quand on lui demande dans quel état d’esprit il compte aborder les mois à venir, le porte-parole, qui a avoué ne pas avoir signé de licenciement, ne mâche pas vraiment ses mots. « La grande majorité des collègues ne croit plus du tout que l’on puisse sauver quoi que ce soit. On est une poignée à se battre mais les salariés sont plus spectateurs qu’acteurs. On surprend encore Bercy quand ils savent qu’on fait un encore un concert, pour eux c’est plié depuis longtemps. Le collectif a été bien abîmé, trois copains se sont suicidés ces derniers mois. On pense qu’on vivra d’autres drames humains parce que comme toute fermeture d’usine, il y aura des conséquences humaines importantes, on le sait. On créera certainement un collectif sous une forme ou une autre… ».

Nouvelle journée de mobilisation

En attendant, la poignée de salariés restants a fixé deux rendez-vous. Le premier sera une manifestation le samedi 21 septembre qui partira à 11h30 de la Place de la République. Un appel à une « large mobilisation unitaire contre les licenciements et le manque de personnel ». Le même jour à partir de 19h, c’est au Krakatoa de Mérignac que l’association « Défense des emplois Ford » convoque le public pour une « soirée de solidarité » intitulée « Ford Blanquefort : même pas mort ! » qui convoquera, comme l’avaient fait les deux soirées de mobilisation précédentes (à la salle des fêtes du Grand Parc en mars et au parc Fontgravey le 21 avril), plusieurs têtes d’affiche venues soutenir les salariés de l’usine. On y retrouvera donc Cali et le groupe The Hènes, une apparition de GiedRé, Bertrand Belin, Radio Elvis, La Poison, l’Envoûtante et Dj Ricoo pour la partie musique. Du côté du spectacle, on retrouvera les humoristes Thomas VDB, Pierre-Emmanuel Barré et Guillermo Guiz.

En ouverture de la soirée, six personnes (dont deux salariés de l’usine) liront des textes publiés l’an dernier dans un recueil de 96 pages paru aux éditions Libertalia dont les droits d’auteurs ont été reversés à l’association et qui convoquaient plusieurs plumes parmi lesquelles François Morel, Didier Super, Guillaume Meurice ou Serge Halimi et des dessins de Large, Plantu ou encore Urbs. La totalité des bénéfices de la soirée, consommations au bar comprises (billets en vente à dix euros) sera reversée à l’association de soutien aux salariés et les artistes invités se produiront bénévolement. Selon Philippe Poutou, l’argent servira à financer la soirée et le reste sera utilisé pour payer une partie des frais de justice à venir. Pour Didier Estèbe, directeur du Krakatoa, c’est une soirée qui fait partie de la tradition de la salle, qui fête ses trente ans cette année, d’une programmation de soirée « aux bénéfices ». « Bien sûr qu’on préfèrerait ne pas être là, mais on fait aussi ça en soutien pour dénoncer l’attitude scandaleuse de cette entreprise vis-à-vis de ses salariés. Il est important pour nous de continuer à aider des causes qui nous tiennent à cœur, celle-ci en est une ». Pour les habitants aussi apparemment : sur la jauge maximale du Krakatoa fixée à 1200 places, environ 700 ont déjà été vendues. Du côté de l’usine, si un cabinet de reclassement est toujours effectif dans le bâtiment depuis un an pour traiter la situation d’une partie des 849 salariés, l’affaire est encore loin d’être pliée pour ce qui est de la « revitalisation » du site. Selon les exigences de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), Ford a jusqu’en 2024 pour opérer un démantèlement des machines (de sources syndicale, une partie d’entre elles a déjà commencé à opérer un déménagement depuis août), à la démolition du bâtiment et à une dépollution complète.

Mise à jour : La cour d’appel de Bordeaux a donné raison ce mardi 17 septembre à la chambre civile du Tribunal de Grande Instance qui s’était déclaré incompétent à juger de la validité du motif économique invoqué par l’entreprise Ford pour fermer son usine de Blanquefort. Une décision « conforme à ce que nous avions plaidé depuis le début » selon un porte-parole du constructeur. Rien ne change dans le Plan de Sauvegarde de l’Emploi, donc, et les premières lettres de licenciement doivent arriver au début du mois d’octobre.

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Gironde
À lire ! SOCIÉTÉ > Nos derniers articles