La langue occitane sur la voie de sa « socialisation »


Père Igor
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 28/08/2020 PAR Solène MÉRIC

L’Office public de la langue occitane entame selon sa présidente Charline Claveau « le premier tournant de son histoire ». Et pour cause, sur ses quatre premières années d’existence, il s’est agi essentiellement pour la structure de trouver ses marques. Tant dans la relation avec ses partenaires institutionnels et associatifs que dans son territoire. En effet, pensé et mis en œuvre pour couvrir un espace de 13 départements, la fusion des régions a rapidement amené l’Office à devoir « gérer » un territoire de 22 départements avec le même nombre de personnes (initialement 3, désormais bientôt 7) et des moyens de fonctionnement presque identiques… Là où glisse sa présidente un brin malicieuse, « l’Office Public de la Langue Basque couvre un demi département avec une équipe de 14 personnes… ».

« L’Etat a renforcé sa participation financière »
Cela dit, désormais, les fondations sont bel et bien installées, et le positionnement trouvé auprès des acteurs, avec même un démarrage de formalisation des partenariats avec certains départements. « C’est fait avec la Dordogne et le travail est en cours avec les Pyrénées-Atlantiques », illustre Charline Claveau, qui précise également que « l’OPLO sur l’ensemble de son territoire de compétence, a des échanges réguliers avec 80 organismes dont pour la majorité des associations ». Et pour cause, parmi les actions mises en œuvre dans ces premières années d’existence parfois un peu acrobatiques, et marquées par les grandes attentes, pour ne pas dire impatiences, des acteurs, « c’est l’instruction et la distribution des aides qui a été priorisé, au côté des actions liées au développement de la transmission de la langue par l’école ».
Autre point important pour l’OPLO en cette année 2020 : « l’Etat a renforcé sa participation financière », de même les Régions partenaires. Et dans l’application des politiques aussi le travail de partenariat mis en œuvre par l’OPLO paie au bénéfice de la langue occitane : en 2020, la Région Nouvelle-Aquitaine a accordé 1,5 M€ de subventions aux projets et acteurs de la langue et de la culture occitanes contre 1,2 M€ en 2016. Un acteur régional qui compte car si l’OPLO est compétent sur l’apprentissage de la langue, les actions liées à la création et diffusion de la culture occitane (indissociables donc de la langue elle-même…), sont quant à elles de la compétence des collectivités locales, au premier rang desquelles la Région. La collaboration entre les deux instances n’est donc pas une option pour la réussite de l’objectif qu’est la reconquête linguistique.

Rendre la langue occitane présente dans la vie de tous les jours
Pour autant, et c’est là l’une des ambitions de l’OPLO, il s’agit aussi, dans les années à venir, d’accentuer le travail dans la transversalité avec l’ensemble des services de la Région, au-delà du seul axe culturel ; mais aussi par exemple, sur les politiques régionales liées à la formation, au transport ou encore à la jeunesse. Un souhait qui devrait se concrétiser dans une prochaine feuille de route régionale sur le plurilinguisme (a priori votée en octobre) et qui va dans le sens de « socialisation de la langue », confirme Charline Claveau. Autrement dit, rendre présente la langue occitane dans l’ensemble de la société, et dans la vie de tous les jours.
Cet axe de la socialisation serait alors complémentaire à celui qui occupe déjà largement l’OPLO : la transmission de la langue, via le cursus scolaire, mais pas seulement. Sur ce thème s’ouvrent alors des chantiers concernant la signalétique bilingue (dont par exemple les messages vocaux dans les transports en commun), mais aussi le secteur médiatique et plus précisément les secteurs audiovisuels et radiophoniques, sans oublier l’univers des jeux vidéos particulièrement prometteur selon la Présidente de l’Office en termes de représentation de la langue auprès des jeunes générations.
Enfin, si l’Office veut aussi être un lieu de réflexion et d’échange sur le statut des langues régionales aux côtés d’autres acteurs des langues régionales, il vient également de poser les bases d’une mission d’observation et d’information sur la présence de l’occitan en territoires néo-aquitain et occitan. C’est dans ce cadre qu’a été lancé une cartographie (en cours) sur l’enseignement de l’occitan (scolaire, cours pour adultes, etc), ainsi que la relance, cette année, d’une enquête socio-linguistique visant à faire le point sur la pratique et les représentations de l’occitan.

« La honte » de parler « patois » a fait son temps
Au-delà de l’analyse quantitative du document, celui ne peut d’ailleurs que « encourager les instances publiques à soutenir le développement de la langue », se félicite Charline Claveau. en effet, 92% des personnes interrogées se positionnent en faveur du maintien ou du développement de la langue occitane, et près de 8 sur 10, se disent favorables à des actions publiques. Sur l’enseignement 8 personnes sur 10 sont favorables au développement d’une offre d’enseignement de l’occitan de la maternelle au lycée, et 41% sont pour un apprentissage de l’occitan tout au long de la scolarité de la maternelle à l’université.
Sur ce qui est de la vivacité de la langue en elle-même, les chiffres sont par contre bien moins réjouissants. Outre une baisse de locuteurs en chute de 3 à 4 points, le taux de personnes qui déclarent « parler occitan sans difficulté, ou suffisamment pour tenir une conversation simple, s’établit à seulement 7%… Selon les grilles de l’UNESCO, la langue est donc « en sérieux danger d’extinction ». Et encore, le taux moyen de 7% ne couvre pas une réalité homogène de la pratique de la langue : en effet, plus le département est urbanisé, moins les locuteurs sont nombreux : 2% en Gironde, Haute-Garonne ou Hérault, mais jusqu’à 22% pour les territoires peu peuplés tels la Charente occitane, ou la Lozère.
Selon cette étude, le portrait robot du locuteur occitan est un homme de plus de 60 ans vivant en milieu rural… d’où, aussi, le réel risque d’extinction. Cela dit, une bonne nouvelle tout de même : même si la transmission, majoritairement en famille, reste faible, a progressé de 9 points en 10 ans. De quoi laisser penser que « la honte » de parler « patois » a fait son temps… Pour militer dans ce sens, l’OPLO s’apprête à lancer une campagne de communication à destination du grand public.

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