Portrait : Anaëlle Sorignet, blogueuse écolo et éclairée


Cécile Cellerier
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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 17/03/2020 PAR Lucile Bonnin

Faire ce que l’on aime dans la vie, c’est important. Pour beaucoup, cela peut être vital. Anaëlle a décidé de se tourner vers sa véritable passion il y a 5 ans. Elle a eu un parcours assez atypique avant de se lancer dans le monde du blogging. Ses études à Sciences Po Toulouse lui permettent de développer une véritable passion pour un sujet qui va la suivre toute sa vie : l’écologie. Elle commence à travailler dans un bureau d’études en environnement mais l’épanouissement professionnel et personnel n’étaient pas au rendez-vous. Un peu perdue, elle décide de se réorienter en urbanisme et travaille pendant un an et demi dans une start-up spécialisée. Problème : l’urbanisme ne la passionne pas et le statut de salarié ne semble pas lui convenir. A partir de là, Anaëlle rencontre un obstacle dans sa vie qui va se révéler être salvateur : elle apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Crohn. « Depuis 2015, je cohabite avec la maladie de Crohn. Mais rassurez-vous : après une première poussée très agressive qui a nécessité qu’on ratiboise un peu mes intestins, j’ai rapidement récupéré. Depuis, elle est en sommeil, ce qui correspond au moment où j’ai commencé à faire ce que j’aimais dans la vie. Alors je reste optimiste pour la suite. » écrit-elle sur son blog.

De là, larevolutiondestortues.fr est né. C’est pendant sa convalescence qu’elle a décidé de se lancer dans cette aventure. Habitant seule, vivant son quotidien de jeune femme engagée dans l’écologie, il lui est apparu évident de partager son mode de vie, ses réflexions, recherches et mêmes ses astuces de tous les jours. « Je cherchais souvent des informations sur les blogs mais à l’époque je ne trouvais que des sites beautés ou des blogs ultra-militants avec une présentation un peu austère. Je ne trouvais pas de juste milieu… J’ai toujours aimé écrire de façon rigolote et donc je me suis lancée ! » Et cette activité extra-professionnelle s’est avérée être une occupation à plein temps et particulièrement enrichissante pour la jeune bordelaise. Car oui, aujourd’hui tenir un blog est un vrai métier qui peut parfois même être très énergivore. « En 2018, je me suis rendue compte que ce blog prenait la moitié de mon temps de travail » (elle est aussi coach en entreprise). L’approche de son blog est quasi journalistique. Anaëlle ne laisse rien au dépourvu ! Elle confie : « il y a 12 000 métiers dans le statut de blogueur et pour moi je ne voyais pas comment faire tout ça sans me rémunérer. »

 « Il y a toujours un petit fond de mépris quand on parle des blogs. » Ce mépris que l’on peut porter sur l’activité de blogueur, pour Anaëlle, c’est essentiellement dû à sa connotation féminine. Quand elle a lancé son blog, elle voulait simplement être lue et se faire connaître sur la Toile, mais les proportions ont pu la surprendre très vite en un ou deux ans. Ce qui a sorti le blog de l’anonymat ? Un article très documenté sur les crèmes solaires bios. N’étant pas un sujet très choisi à l’époque, il a été partagé par un grossiste et un pic de trafic est très vite arrivé sur son blog. La révolution des tortues est donc remontée dans le référencement Google et une fois cette remontée, les lecteurs sont arrivés de plus en plus nombreux.

Un cerveau qui ne cesse de bouillonner

La révolution des tortues est un endroit virtuel où tout le monde est le bienvenu. Anaëlle veut avant tout partager des idées et des astuces pour se rapprocher le plus possible d’un mode de vie écologique et responsable. Mais comme rien n’est linéaire et que la problématique de l’écologie ne cesse d’évoluer, cette blogueuse dynamique ne veut plus en rester là. « Je suis moi-même en pleine transition. A la base, ce blog a été lancé pour amener de la légèreté sur l’écologie car c’est un sujet très lourd et grave. Je veux être sérieuse sur le fond et fun sur la forme. » C’est cette envie de départ qu’elle a développée pendant trois années avec l’idée de laisser la possibilité aux gens de faire à leur rythme. Malheureusement, le temps n’est plus à la patience. L’urgence écologique est plus que pressante aujourd’hui.

« J’ai été démarchée par une maison d’édition pour écrire un livre cet été, confie Anaëlle. Je travaille sur le projet en ce moment pour construire un livre sur la thématique « être écolo et heureux ».  Mais grâce à mon blog, je me suis rendue compte qu’on ne pouvait plus se contenter de promouvoir des actions dérisoires. » Loin d’être résignée, elle n’accepte plus le fameux adage qui dit « c’est mieux que rien ». Cette prise de conscience veut l’amener à passer d’une « écologie molle » à une autre étape bien plus significative et efficace. L’écologie des petits gestes qu’elle a pu mettre en avant dans son travail d’écriture n’a plus vraiment de sens pour elle. Une étape au dessus existe. « Il ne faut pas arrêter de faire des petits gestes mais il ne faut surtout pas s’arrêter à cela, explique la blogueuse. Ce n’est pas un point d’arrivée, cela n’a pas de sens. Le constat est difficile car personne ne sait ce qu’il y a au delà de cela. Mais si on n’accepte pas cet état d’inquiétude, on ne peut pas passer à une nouvelle étape utile. »

Ses phrases pleines de sagesse montrent à quel point Anaelle a travaillé sa réflexion, son analyse personnelle, son sens critique. Larevolutiondestortues.fr a été, pour elle, un laboratoire pour développer une pensée plus construite. Maintenant c’est clair pour elle : l’écologie doit devenir plus radicale. Car à vrai dire, que peut-elle être d’autre ?

Anaelle Sorignet

Une femme écolo à Bordeaux

En haut, à droite sur la page de son blog, on peut découvrir un petit onglet « féminisme ». En plus de s’attaquer à ce grand sujet qu’est l’écologie, Anaëlle parle aussi des femmes et des inégalités. Le sujet n’est d’ailleurs pas tout à fait éloigné du thème principal du blog selon elle : « la majorité des écolos sont des femmes et l’écologie et le féminisme sont liés. Il y a un même mépris envers le vivant ou envers la femme. » Révoltée de nature, Anaëlle a une intolérance à la justice très poussée. C’était pour elle presque naturel de parler de féminisme sur ce petit espace du web qui lui appartient. « Je pourrais avoir un volet « justice sociale » aussi sur mon blog mais les journées ne font que 24h » plaisante t-elle.

Là aussi, elle ne livre pas sur cette question, une opinion stérile ou simplifiée. Elle se dit à la fois proche et éloignée du féminisme. « Je ne suis pas à l’aise avec les approches victimaires du féminisme. La plupart des femmes ne veulent pas prendre une place mais attendent qu’on leur donne. L’obstacle majeur à l’égalité c’est aussi parfois les femmes elles-mêmes, de manière inconsciente. » Les femmes sont aussi les plus concernées par la transition écologique à la maison. « On se rajoute une charge mentale et ce sont les femmes qui endossent la charge mentale de l’écologie », explique t-elle. 80% des visiteurs et lecteurs de La Révolution des Tortues sont d’ailleurs des femmes.

Son avis sur la ville de Bordeaux est tout aussi tranché et affirmé. Dans son travail, elle s’attache à mettre en valeur les multiples initiatives et/ou boutiques écologiques qui fleurissent sur le territoire. Pourtant, elle exprime certains regrets par rapport au paysage de la ville et à la politique publique : « je suis née à Bordeaux et je suis revenue en 2014 dans cette ville pour mon premier travail. J’étais trop contente de revenir à Bordeaux parce que j’arrivais de Paris et que je n’en pouvais plus. J’ai retrouvé cette sensation d’entassement que je ne supportais plus malheureusement ici aussi. On ne fait pas du tout assez à Bordeaux, on va se retrouver avec le climat de l’Andalousie dans 30 ans… ».

Confiance et positivisme

Quand on lui demande quels conseils elle donnerait à ceux ou celles qui veulent se lancer dans l’écriture d’un blog, sa réponse est encourageante : « il faut avant tout être soi-même sans craindre les conséquences. Il faut y aller à fond, avec ses propres convictions, même si elles ne sont pas populaires. » Car c’est aussi cela l’une des forces d’Internet : pouvoir exprimer son avis et construire une réflexion personnelle hors des cadres et des conventions. « Un billet polémique est bien plus utile qu’un article lissé sans prise de position », déclare Anaëlle. D’ailleurs, elle-même n’a plus peur du regard des autres depuis bien longtemps grâce à son travail. Dans un article, elle raconte son expérience chez un psychologue et n’hésite pas à partager sa vulnérabilité, simplement car elle a désormais, une confiance intérieure inattaquable.

Et pour se lancer dans l’écologie ? Selon cette militante, il ne faut pas hésiter à s’entourer car les prises de consciences écologiques ne sont pas faciles à vivre. Le partage rend la chose moins difficile. « A Bordeaux, il y a de nombreuses associations ou structures qui peuvent vous accompagner dans cette démarche comme ANV-COP21 Gironde, Extinction Rebellion, Zéro Waste ou encore Green Peace… » souffle t-elle. Ne pas rester seul avec son éco-anxiété, c’est fondamental. Sinon, n’hésitez pas à vous perdre dans les méandres de son blog aux allures de forêt verdoyante, pour trouver des réponses à vos questions ou cultiver de nouvelles pistes de réflexion… 

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