En marge du procès Bonnemaison : « Cette mort que l’on ne veut pas voir »


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 13/06/2014 PAR Jean-Jacques Nicomette

Dans les Pyrénées-Atlantiques, 750 personnes adhèrent à leur association,  assurent André Weiss et son épouse Colette, déléguée adjointe. «  Certaines personnes nous contactent en pensant qu’on a la pilule qui les fera moins souffrir. Il faut leur expliquer que ce que veut l’ADMD, c’est une loi. Et que l’on ne peut rien faire, si ce n’est les informer sur les possibilités qui leur sont offertes. »

Le suicide en Suisse pour 10 000 eurosC’est ce qui s’est passé en 2010 lorsqu’André et Colette Weiss ont mis en contact une sexagénaire du Pays basque intérieur avec l’association Dignitas qui pratique le suicide assisté à Zurich. « Cette dame avait eu plusieurs cancers. Elle souffrait en permanence depuis 32 ans, allongée sur un lit, avec une jambe quatre fois plus grosse que l’autre, un bras paralysé et un autre qui allait l’être. Son neurologue lui avait dit qu’il ne pouvait rien faire de plus que ce qu’il faisait ».

La Suisse interdit l’euthanasie, mais elle permet le suicide assisté, après établissement d’un dossier validé par des experts médicaux et dans des conditions de contrôle très rigoureuses, expliquent André et Colette Weiss. « Il faut également que ce soit le malade qui fasse le geste, en étant capable par exemple de bouger un bras, un doigt, pour activer un appareillage. « La dame avait été accompagnée par deux membres de sa famille. Sans cela, elle aurait pu rester encore 20 ans sur son lit, à souffrir. »

Une Paloise atteinte d’une polyarthrite invalidante a également fait le déplacement à Zurich. « Elle aussi souffrait beaucoup et voyait arriver le moment où elle serait complètement paralysée. » Mais, comme pour l’autre personne, cette démarche avait eu un coût. Près de 10 000 euros avaient dû être versés à l’association suisse.

« C’est le patient qui doit décider »« Ces deux cas n’étaient que des pis allers. Car tout le monde ne peut pas y avoir accès », estiment les Weiss. En France, la question est réglée : de telles pratiques sont interdites. Les représentants de l’ADMD n’en évoquent pas moins « le taux de suicide assez élevé » de personnes âgées que l’on connaît dans notre pays. Tout comme ils rappellent que ce que l’on désigne comme une souffrance insupportable peut aussi être d’ordre moral.

Certes, reconnaissent-ils, des dispositifs règlementaires existent chez nous pour accompagner la fin de vie. « La loi Leonetti a apporté des choses positives, par exemple sur les directives anticipées. Un texte rédigé par les personnes souhaitant que l’on limite ou arrête les traitements qu’elles vont recevoir, si leurs facultés se dégradent de manière irréversible. Encore fallait-il faire connaître cette loi ! Dans le cas de l’affaire Vincent Lambert, l’absence de directives a eu des résultats catastrophiques, avec un traitement que l’on arrête, puis que l’on reprend. »

De plus, les directives anticipées ne sont pas opposables à la décision du médecin, qui reste seul juge en la matière. « Alors que cela devrait être le patient qui décide » estiment les membres de l’ADMD. Tout en se faisant fort de dénoncer « l’hypocrisie » qui prévaut dans un pays où l’on estime qu’environ 3 000 à 5 000 actes d’euthanasie sont pratiqués chaque année, en silence, par les médecins.

André et Colette Weiss représentent l'ADMD dans les Pyrénées-Atlantiques

Des demandes inscrites sur la carte Vitale ?Fin 2012, la réflexion suscitée par le rapport Sicard, puis par la Conférence des citoyens sur la fin de vie, ont fait avancer le débat, reconnaissent-ils. Mais l’ADMD souhaite que l’on aille plus loin. C’est la raison pour laquelle cette association a rédigé une proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. Le texte présenté par l’ADMD prévoit notamment d’inscrire les directives anticipées sur la carte Vitale des assurés sociaux. Directives que le médecin devrait respecter. Car, si elles sont révocables à tout instant, elles demeureraient « valables, sans condition de durée ».

Le projet demande aussi un accès universel aux soins palliatifs destinés, selon la loi, à « soulager la douleur, apaiser la souffrance physique, sauvegarder la dignité de la personne malade, et à soutenir son entourage. » Ce dernier souhait ne relève pas du détail. « Car les structures qui pratiquent ces accompagnements sont encore très loin de répondre aux besoins, constatent eux-mêmes leurs responsables. »

A l’étranger aussiLe débat n’est pas propre à la France. Loin s’en faut. « Début juin, le Parlement du Québec a voté une loi sur la fin de vie. Quelques jours plus tard, le gouvernement israélien a approuvé un projet de loi, qui reste à débattre, sur le suicide médicalement assisté. Et la Grande Bretagne s’apprête à en faire de même ».

« Le mot euthanasie fait peur car on n’en connaît pas le sens exact » conclut  André Weiss. « Pour beaucoup, cela réfère à une période terrible de notre Histoire. Mais il nous renvoie surtout à notre propre mort. C’est-à-dire à un événement auquel on ne veut pas penser. Il faut pourtant appeler les choses par leur nom. »

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