Quand la Gironde aide à l’handiparentalité


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 13/07/2019 PAR Romain Béteille

Le 11 janvier dernier, le département de la Gironde a été labellisé « territoire 100% inclusif« , avec des objectifs définis pour « améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap ». Ce vendredi, il a présenté un des dispositifs concrets issus de cette labellisation nationale, coordonnée par le Secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées. La collectivité, qui assure le paiement de la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) a souhaité aller plus loin en mettant en place un nouveau volet d’aide à la parentalité. La récente conférence nationale du handicap a, de son côté, l’ambition de réformer cette PCH créée en 2004 et qui comprends six aides : humaine, technique, aménagement du logement, aide aux transports spécifiques et animalière. En 2017, cette dernière bénéficiait à plus de 280 000 personne en France (pour un budget de 1,9 milliards d’euros), et à près de 10 000 personnes pour le seul département de la Gironde (pour un budget avoisinant les 100 millions d’euros). 

Heures supp’

Concrètement, comment cette aide supplémentaire se présente-t-elle ? Sébastien Saint-Pasteur, président de la commission politique du handicap et de l’inclusion, explique la volonté de la collectivité et les modalités de sa mise en place à titre expérimental. « Dans les aides proposées aux personnes en situation de handicap, il y a un angle mort : la parentalité. Quand les personnes veulent avoir un enfant, elles ne sont pas accompagnées par la puissance publique comme elles peuvent l’être au titre d’autres dispositifs sur l’accès à l’emploi et la scolarisation, par exemple. L’idée première est donc de combler cette carence parce que c’est un besoin qui nous a été signifié par des familles et des parents la plupart du temps. Lorsque vous êtes handicapé moteur en fauteuil ou déficient visuel, c’est plus difficile, notamment entre zéro et trois ans quand l’enfant est peu autonome, de pouvoir s’en occuper correctement. On propose donc un accompagnement spécifique : un abondement de la prestation du handicap qui correspond à une aide humaine supplémentaire proposée aux familles ».

Cette aide est cadrée : elle rajoute une heure si l’aide humaine est comprise entre 0 et 2 heures par jour pour les personnes sourdes ou aveugles bénéficiant déjà d’aides dans le cadre de la PCH, en rajoute deux si le plan d’aide est compris entre 2 et six heures, et enfin évalue « au cas par cas » si le plan d’aide initial est supérieur à six heures par jour. « Le dispositif va être relativement modeste au début, on ne va pas aider 500 familles la première année. Pourtant, il va répondre à 10, 20 situations sur cette première année. Il y a aussi un fort aspect symbolique et une forme de droit à la normalité pour des familles qui sont aujourd’hui encore stigmatisées lorsqu’elles vont à l’hôpital. Certains s’interrogent aussi et se demandent si c’est raisonnable, lorsqu’on est dans leur situation, d’avoir un enfant. On veut essayer de combattre ces préjugés en essayant de faciliter leur quotidien », poursuit ainsi Sébastien Saint-Pasteur. « On est dans l’expérimentation, on a donc créé un comité de pilotage avec des usagers pour adapter le dispositif que l’on a choisi de lancer tout de suite, quitte à abonder un peu plus demain si on voit que le besoin se fait ressentir. Ca concerne les moments qui sont un peu plus difficiles pour une famille : changer un enfant, lui donner le bain, ect ». 

Travail de confiance

Ces gestes du quotidien, Alexandra, jeune maman de Nathanaël et en fauteuil roulant, a du les apprendre. Elle ne l’a pas fait sans aide. Cette dernière fait en effet partie des rôles du Centre Papillon, présent à Bordeaux depuis 2014 et géré par l’association « Grandir Ensemble ». On y retrouve des professionnels de la petite enfance, de la santé, de l’enseignement, de la justice ou encore des arts qui se proposent d’accompagner les familles (handicap ou pas puisqu’environ un tiers des familles accompagnées par le centre étant en situation de handicap). « On a eu une pratique théorique puis réelle avec Nathanaël. J’ai appris à prendre confiance en moi en tant que maman, ce qui n’était pas simple. Ce n’est pas inné d’être une maman en fauteuil. J’ai eu plein de questions, le centre a été là pour me rassurer. Quand j’étais enceinte, si je ne les avais pas eu, j’aurais été paniquée. Il faut aussi se faire confiance, se dire qu’on est capables de le faire », témoigne ainsi la jeune maman.

Travailler sur la confiance en , c’est un des rôles principaux de Marine Crespin. Cette psychologue intervient à domicile auprès d’une quarantaine de familles dont l’un des membres est handicapé, et ce sur toute la Gironde. « Je suis là pour accompagner les parents dans leur rôle. Bien sûr, il y a un aspect technique dans la prise en charge du bébé, mais c’est avant tout le rôle des puéricultrices. Le mien, c’est d’apporter un soutien psychologique et de permettre aux parents, si nécessaires, de travailler sur la manière de potentialiser ses compétences parentales. Devenir parent, ca s’apprend, et c’est important de transformer l’existant en ressources pour en faire une compétence. Quand le handicap est inné, on est habitués à mettre en place des stratégies dans le quotidien, les personnes handicapées ont un très fort potentiel d’adaptation. En accueillant ce bébé, il faut les aider à reprendre confiance pour pouvoir trouver de nouvelles stratégies », assure la professionnelle. Chaque visite à domicile dure au moins une heure et demie, et le travail est collectif : puéricultrices, osthéopathes, psychomotriciennes, éducatrices de jeunes enfants interviennent chacun dans leur domaine. « Chaque cas est à part. On a une expertise dans le handicap, mais parfois on ne sait pas. La personne qui connaît le mieux son handicap, c’est celle qui le vit. Elle nous raconte ce qu’elle vit dans son quotidien et en quoi sa pathologie pose problème. A partir de là, on fait une sorte de bilan de ce dont elle va avoir besoin. On ne se positionne pas en êtres qui savent tout, le corps médical intervient en collaboration si besoin ». 

De nouvelles pistes

Pour Marine, l’abondement supplémentaire de cette PCH très girondine pourrait régler plusieurs freins majeurs. « Une femme en situation de handicap peut être sur-handicapée par sa grossesse. Ça nécessiterait donc une aide à des gestes du quotidien. Ca permet aussi de sortir de l’isolement de suite de couche, le temps que les aides se mettent en place. Ce qui est central, c’est l’anticipation. Les gens qui ont un handicap sont obligés d’anticiper pour tout en permanence, encore plus avec un bébé. Si le couple peut se dire qu’à la naissance, ils peuvent accéder à des dispositifs ciblés, ça enlève une charge mentale et un stress énormes. Il ne faut pas croire qu’ils se lancent dans une grossesse comme ça, sans réfléchir. Si on pouvait avoir une accessibilité à un service à domicile qui puisse être efficient tout de suite, ça soulagerait beaucoup de familles, même celles qui n’ont pas de handicap ». En attendant une éventuelle réforme de la PCH, l’aide à l’handiparentalité (accessible via un formulaire unique), si l’expérimentation se révèle concluante, pourrait s’étendre.

« La volonté, c’est aussi d’aller vers d’autres formes de handicaps, notamment les handicaps psychiques. On va partir de l’évaluation de la PCH initiale pour faire plus à travers cette aide parentalité », termine Sébastien Saint-Pasteur. La Gironde fait partie des collectivités locales qui aide beaucoup au titre de la PCH, un rapport de la Cour des comptes le situe dans les dix départements français où cette aide moyenne est la plus élevée. Ce n’est pas une obligation légale, on est volontariste ». Pour ce qui est d’éventuelles autres nouvelles « mesures » mises en place dans le cadre de « territoire 100% inclusif », là aussi, la commission, qui doit se réunir en septembre, reste ouverte. « Par exemple, il est sept fois plus difficile pour un enfant en situation de handicap d’avoir accès au périscolaire que pour un enfant qui ne l’est pas. De même, il n’y a qu’un tiers des enfants atteints d’autisme qui sont scolarisés aujourd’hui. Ca concerne la scolarisation, l’accès à l’emploi ou à un logement. C’est une première brique sur un chemin encore long : il va falloir adapter ». 

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