Bordeaux: Quatre mineurs isolés évacués d’un immeuble insalubre


Léa Calleau
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 23/07/2019 PAR Léa Calleau

Mardi 23 juillet, au matin, une nouvelle expulsion de squat a eu lieu à Bordeaux, rue Lafaurie de Monbadon. La Préfète a pris de l’avance par rapport à la date prévue, comme l’explique le communiqué de la Préfecture : « En effet, malgré la demande de concours de la force publique formulée par l’huissier de justice sur la base d’une décision du tribunal d’instance de Bordeaux, en date du 7 juin 2019, exécutoire au terme d’un délai de 2 mois, la situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent nécessitait l’exécution de mesures de sécurité appropriées sur ce squat dans les plus brefs délais. »

Quatre personnes se déclarant mineurs de nationalité algérienne ou marocaine ont été conduits au CDEF, le Centre départemental de l’Enfance et de la Famille. Emmanuelle Ajon, Vice-Présidente du conseil départemental de la Gironde en charge de la protection de l’enfance et de la promotion de la santé, nous explique que « ce sont des jeunes qui sont dans des réseaux très durs et sous addiction. Le CDEF n’est pas un lieu de rétention. Ce n’est pas fermé. Ce sont souvent des jeunes qui ne restent pas. »

Un dialogue de sourd entre l’Etat et les collectivités

Dans la matinée, une réunion inter-collectivités a été mise en place par la Préfecture avec le département de la Gironde, la Métropole et la Ville de Bordeaux. Thierry Trijoulet, premier secrétaire de la Fédération du Parti Socialiste de Gironde, et Emmanuelle Ajon ont exprimé leur colère suite à cette réunion. La Préfète a maintenu qu’il n’y aurait pas d’arrêt des évacuations de squats pendant la canicule. « C’est le manque d’humanité qui est extrêmement choquant, déclare Emmanuelle Ajon. La Préfète veut lutter contre les filières de traite humaine, mais en utilisant des personnes qui ont-elles-mêmes été victimes de ces réseaux. C’est leur faire payer deux fois le prix. »

Le département de Gironde a ouvert son hall aux personnes à la rue, leur donnant accès à un lieu climatisé avec des toilettes et point d’eau. N’ayant pas le pouvoir de réquisitionner des logements, il lance un appel à projet pour prévoir des places d’hébergement complémentaires pour l’année prochaine.

A l’espace Darwin, le Samu social a accueilli des familles pour établir un bilan médico-social afin que les enfants soient pris en charge par la PMI. « Quand c’est travaillé en amont, que l’on connait les véritables problèmes des populations, ça peut se faire d’une manière bien moins brusque qu’une évacuation qui amène les gens à se retrouver sur le macadam, estime Emmanuelle Ajon. »

La Préfecture met en avant le travail du Samu social, qui effectue des maraudes financées par l’Etat et fait remonter le nombre de personnes rencontrées. Emmanuelle Ajon émet une critique sur ces données : « Ces maraudes n’ont pas vocation à recenser de manière exhaustive le nombre de personnes à la rue. Ce qui serait intéressant, c’est d’avoir les chiffres du 115, avec toutes les personnes qui n’obtiennent pas d’hébergement chaque soir. »

Aude Saldana Cazenave, coordinatrice de Médecins du Monde en Aquitaine, était elle aussi présente ce matin à la réunion organisée par la Préfecture. « La Préfète maintient que toutes les personnes qui étaient légitimes d’avoir une solution d’hébergement l’ont reçue, rapporte-t-elle. Les autres, c’est la solidarité citoyenne qui s’en occupe ! Aujourd’hui, il a fait 43°C. Un gymnase devait être ouvert Avenue Thiers. La Préfecture a refusé. C’était une solution d’urgence pour que les personnes aient un accès à des sanitaires, à l’hygiène. »

Les demandeurs d’asile prennent la parole

Dans le vieux bâtiment de la Bourse du Travail, 70 personnes ont dormi hier soir sur des matelas posés au sol.

Squat bourse du travail

Pour les douches, ils doivent se rendre à l’Athénée libertaire, un local situé à un kilomètre, qui dispose d’une douche utilisée entre 50 et 80 fois par jour.

Athénée Libertaire (douche)
Athénée Libertaire

 

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Les bénévoles et militants se démènent pour préparer une centaine de repas par jour.

Athénée Libertaire (cuisine)

Malgré leur crainte de parler et d’attirer sur eux l’attention des autorités, les demandeurs d’asile et les mineurs isolés se sont exprimés à travers un communiqué la semaine dernière :

« Aujourd’hui nous sommes livrés à nous-mêmes et sans le soutien des associations, on ne saurait pas quoi faire. Donc, nous demandons à Mme la préfète de la Gironde d’assumer ses responsabilités. Étant donnée la situation en tant que réfugiés, on se retrouve sans logement, sans suivi de santé, à la rue, sans possibilité de suivre des études et des formations pour les mineurs qui se sont retrouvés à la rue du jour au lendemain. Même la minorité qui est prise en charge, aujourd’hui, se retrouve à l’hôtel sans rien faire. Si l’Europe prend sa responsabilité envers les pays africains, du Maghreb, Moyen-Orient (suite à l’exploitation des matières premières qui engendre la misère, les guerres, la dictature, la corruption, la famine dans ces pays …), ces personnes resteront chez eux. Nous revendiquons :

Pour les mineurs que la SAEMNA assume ses responsabilités. On demande à pouvoir être scolarisés et suivre des formations, être logés et nourris…

Pour les demandeurs d’asile, nous demandons à l’État Français en respectant la convention de Genève de :

– Améliorer nos conditions de vie : logement, santé, travail.

– Régulariser nos situations. »

 

 Un communiqué de la préfecture: Bourse du travail point de situation

 

« Fabienne BUCCIO, préfète de la Gironde, a reçu à leur demande Mme VERSIGNY, secrétaire générale de l’union départementale de la CGT et M. PUECH, président de l’association Ovale Citoyens au sujet des personnes accueillies à la Bourse du travail à Bordeaux afin d’envisager des propositions d’hébergement.

A l’issue de cet entretien, la préfète de la Gironde a proposé l’établissement d’un diagnostic social par le prestataire de l’État le Samu social dans les plus brefs délais.

Ce diagnostic a été établi dès jeudi soir par une équipe du SAMU social composée de 4 travailleurs sociaux, 3 infirmiers et 1 bénévole de l’association Ovale Citoyens. Les entretiens se sont déroulés dans la langue choisie par les occupants.

Il fait état de la présence sur les lieux de 59 personnes d’origine et de provenance diverses :

– 41 hommes isolés dont 21 demandeurs d’asile, 11 disposant d’un titre de séjour et 2 se déclarant mineurs ;

– 3 familles (18 personnes) : 1 en demande d’asile, 1 disposant d’un titre de séjour et 1 ayant une carte de résident.

La situation des demandeurs d’asile est déjà en cours d’instruction par l’OFII, chargé d’identifier pour chaque personne une solution d’hébergement dans l’un des centres de la région Nouvelle-Aquitaine.

Les personnes se déclarant mineurs seront orientées au service d’accueil et d’évaluation des mineurs non accompagnés (SAEMNA), relevant du conseil départemental de la Gironde.

Les familles se verront proposées une solution d’hébergement adaptée à leur situation.

Une attention particulière a été portée aux personnes vulnérables et présentant des problèmes de santé. »


 

 


 
 
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