Que devient aujourd’hui la langue occitane en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie ?


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 18/02/2020 PAR Lucile Bonnin

Langue d’oc, gascon, languedocien, limousin, provençal, béarnais ou patois : la langue occitane est un héritage patrimonial et régional d’une diversité remarquable. Une enquête spécifique et très attendue a été lancée en janvier 2020 par l’Office public de la langue occitane. Qui parle encore aujourd’hui l’occitan ? Sur un échantillon de 8 000 personnes, combien sont-elles capables de tenir une conversation dans cette langue romane ? Comment évolue cette culture régionale et traditionnelle dans les différents départements de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie ? Une série de questions denses et intéressantes auxquelles l’Office public de la langue occitane entend répondre grâce à son enquête sociolinguitique. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un projet européen Poctefa 2014-2020. Ce programme européen de coopération transfrontalière a pour but de promouvoir le développement durable des territoires frontaliers d’Espagne, de France et d’Andorre. Cette enquête transfrontalière a été mise en place via un partenariat avec le GECT Nouvelle-Aquitaine/Euskadi/Navarre (Groupement de Coopération Transfrontalière). 8 000 personnes seront interrogées à travers 22 départements du territoire de l’Office ainsi qu’au Val d’Aran.

Cette première enquête quantitative a été confiée à l’entreprise COHDA, qui, pendant 8 semaines soumet des questionnaires par téléphone en langue occitane à un échantillon de 8 000 personnes. Cette première étape permettra avant tout de connaître la situation globale de la langue en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie et au Val d’Aran. Dans un second temps, plus de 60 entretiens réalisés en présentiel seront menés en coopération avec les universités de Laval et Trois-Rivières au Québec à partir du mois de mai. « Nous avons décidé, pour cette enquête de 2020, d’ajouter un volet qualitatif à la première enquête quantitative » explique Charline Claveau-Abbadie, Présidente de l’Office public de la langue occitane et conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine. « L’Office va travailler par la suite avec un laboratoire de sociolinguitique situé au Québec qui apportera un regard extérieur sur notre langue régionale. Ce deuxième volet servira à creuser certaines questions soulevées par la première étude quantitative. »

Repenser les politiques publiques au plus près des habitants

Bien plus que des chiffres, les résultats de ce travail de longue haleine serviront de matière première pour repenser le champ d’action de l’Office public de la langue occitane. « Nous avons axé l’enquête sur le fait de pouvoir évaluer les compétences linguistiques des locuteurs sur ces territoires et sur la représentation que les habitants se font de la langue et de la culture occitane » précise Charline Claveau-Abbadie. Deux enquêtes avaient déjà été faites en 2008 sur le territoire de l’ancienne Aquitaine et en 2010 en Midi-Pyrénées. En 2020, l’heure d’un nouveau bilan a sonné avec un panel de personnes plus large et un territoire plus étendu. La Présidente de l’Office ajoute : « Pour nous, il y a un enjeu de politique publique derrière cette démarche. Cela donne à voir une réalité de ce qu’est la langue auprès de nos interlocuteurs. Cela permet aussi de repenser en profondeur les leviers de nos politiques publiques qui peuvent permettre d’améliorer la visibilité de la langue et sa transmission. »

Patrick Roux, premier Vice-Président de l’Office public de la langue occitane y voit aussi un autre enjeu : « l’enquête est un formidable outil d’évaluation des politiques publiques qui ont été menées jusqu’à présent. Nous pouvons évaluer par ce biais l’efficacité de nos actions sur la pratique de la langue et sur la question de la modification des représentations négatives des langues régionales. C’est un guide pour l’avenir. Nous voulons être au plus près de la réalité sociale de nos langues. » Après quelques écoutes d’entretiens téléphoniques, la Présidente a pu remarquer que les habitants de ces départements avaient tous une façon différente d’appréhender la langue occitane et sa culture. « Une femme originaire du Tarn et Garonne disait s’intéresser de nouveau à la langue occitane notamment car elle trouve des tribunes publiées dans des journaux hebdomadaires en occitan. Elle s’exerce donc par ce biais à lire et cela lui donne le goût du partage et de la langue. » Ces pistes de réflexions ont pour but principal de sensibiliser les habitants à cet héritage linguistique et d’augmenter le nombre de locuteurs. L’occitan doit atteindre les 30% de locuteurs, selon l’Unesco, pour ne plus être considérée comme une langue en danger.

Enquête sociolinguistique

« Une enquête d’ampleur inégalée »

Fière de ce projet, Charline Claveau-Abbadie assure que cette enquête est « d’une ampleur inégalée en matière de recherche sociolinguitique en France ». Le territoire d’étude en effet est particulièrement large et les échanges téléphoniques avec les 8 000 personnes ont une particularité importante. « Dès lors que la personne dit comprendre la langue occitane, l’enquêteur propose un questionnaire en langue régionale » explique Séverine Goasguen, présidente de COHDA. Ce passage en langue régionale est très important car les gens vont pouvoir s’auto évaluer et pratiquer. « Les enquêteurs savent s’adapter. Nous avons réussi assez rapidement à réunir plusieurs enquêteurs qui parlent le gascon, le languedocien, le limousin et même l’aranais. Il nous reste à peu près mille entretiens à réaliser à ce jour » continue Séverine Goasguen.

Le projet a été cofinancé à hauteur de 65% par le Fonds Européens de Développement Régional (FEDER) et par l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine/Euskadi/Navarre. L’étude atteint un coût d’environ 415 000 euros dont 200 000 euros investis pour l’enquête quantitative menée par COHDA. Le programme région Nouvelle-Aquitaine/Québec finance également une partie du deuxième volet de l’étude qualitative, ce qui explique le partenariat avec les laboratoires linguistiques des universités québécoises. La première partie de l’enquête sera close le 28 février et le rapport définitif sera restitué publiquement début juin en Nouvelle-Aquitaine.

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