Quel journalisme de proximité pour Bordeaux et sa région ?


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 18/11/2008 PAR Joël AUBERT

Comme le reste de la presse écrite et audiovisuelle, la presse locale est confrontée à des injonctions contradictoires : informer au mieux mais au moindre coût ; être accessible à tous sans dissimuler la complexité des problèmes, garder un sens critique et le souci de l’intérêt général sans trop déplaire aux annonceurs, partenaires et institutions qui la font vivre. On sait que la presse est indispensable à un bon fonctionnement démocratique. Le problème est que personne ne veut véritablement payer le prix d’une information pluraliste et de qualité. Alors que le coût de production d’une information véritablement pertinente est quasiment illimité, le premier objectif d’une entreprise de presse est de remplir son espace rédactionnel sans trop bousculer ses journalistes ni ses lecteurs. Dans ce point d’équilibre ou de consensus, se trouve la vérité du discours médiatique, image du sens commun dont il est à la fois le produit et le producteur.

Une situation de duopole
Dans la région bordelaise comme ailleurs, ces contraintes économiques ont conduit le paysage médiatique local à s’organiser autour de deux grands pôles : un groupe de presse privé, le Groupe Sud Ouest, qui contrôle également la chaîne de télévision hertzienne TV7, et le service public de l’audiovisuel, avec France Bleu Gironde et France 3 Aquitaine. A côté de ces deux institutions, les autres médias comme La Clé des Ondes ou O2 Radio peinent à exister et contrairement à Toulouse ou Lyon, Bordeaux n’a pas d’hebdomadaire, qu’il soit indépendant ou édité par le groupe de presse régional. L’échec en 2005 de la version papier d’Aqui ! comme mensuel montre qu’il n’est guère facile de s’imposer dans les kiosques – raison de plus de saluer la longétivité de l’Echo des collines !
Avec un peu plus d’un million de lecteurs par jour en 2007 sur l’ensemble de sa zone de diffusion, Sud Ouest est en position de quasi monopole. Il n’est concurrencé depuis 2004 que par deux quotidiens gratuits, les versions bordelaises de deux groupes internationaux, Métro et 20 minutes et par Direct soir. Mais cette concurrence est très relative : ces gratuits ne diffusent que sur la CUB et s’adressent exclusivement à la cible des urbains, étudiants ou salariés. Ainsi, chaque jour 20 mn Bordeaux ne met en diffusion que 27 000 exemplaires, autant que Bordeaux 7 ou Métro, qui s’adressent au même public et sont distribués aux mêmes endroits ! Difficile d’accroître ainsi le pluralisme de la presse locale…

Transformations numériques en cours
Mais Internet aujourd’hui, la TNT demain viennent bousculer ce petit monde médiatique. Avec le journalisme web, il est possible de publier rapidement et à moindre coût des articles de qualités, facilement accessibles dans la mesure où le haut débit se généralise dans les foyers. Si les télévisions locales sur Internet comme LTV33 n’ont pas encore fait preuve de leur visibilité et il faudra attendre la généralisation de la TNT en 2010 pour assister à une éventuelle redistribution des cartes de ce secteur (voir le projet de télévision culturelle des Editions du Bord de l’Eau, dont il est également question dans le dernier numéro de novembre de l’Echo des collines)). Aqui ! a lui fait le pari du web, tout en privilégiant hiérarchisation de l’information et souci de l’écriture.
Peu à peu, avec les quotidiens gratuits et la télévision locale, Internet grignote l’audience de la presse régionale écrite, qui voit par ailleurs son lectorat vieillir sans que les jeunes générations ne s’abonnent. Le temps du leadership du grand journal régional serait-il en train de s’achever au profit d’une information plus émiettée, diffusée à travers de multiples canaux ? La toute récente « nouvelle formule » de Sud Ouest et le remaniement de son site Internet à la rentrée révèlent la nécessité de trouver un nouveau modèle de presse de proximité. Qu’il nous soit permis de penser que ce nouveau paradigme n’est pas encore stabilisé : on confond trop souvent proximité et rétroaction des publics, blogosphère et débat collectif, agenda automatiquement mis en ligne et pages culturelles qui apportent un regard critique. Pas plus que publier des extraits de lettres ou de mèls n’est le garant d’une expression citoyenne authentique, réaliser des sondages sur la façon dont une population se représente elle-même n’est le signe d’une vitalité politique collective. Par ailleurs, Internet ne porte pas, en lui-même, une promesse démocratique ; c’est un canal de publicisation parmi d’autres que l’on doit s’approprier pour faire avancer une certaine conception du « vivre ensemble » où les questions publiques seraient débattues en toute indépendance, dans le respect des convictions de chacun.

Quelle économie pour les médias locaux ?

Or, la collecte et le recoupement des informations, la vérification des sources et la réalisation d’enquêtes de fond, l’effort d’écriture et de mise en perspective coûtent chers. Produire quotidiennement une information à la fois exigeante et accessible au grand nombre demande un investissement financier et humain qui n’est jamais totalement couvert par le prix que consent à donner un lecteur pour son journal ou un annonceur pour un encart publicitaire. C’est pourquoi, à Aqui.fr, nous avons engagé une politique de partenariat : nous ne vendons pas des lecteurs ou du « temps de cerveau disponible », mais une certaine relation aux autres, à un territoire et aux informations. Ne nous voilons pas la face, tout lien financier est potentiellement un lien de dépendance, c’est pourquoi il nous faut multiplier les partenaires, privés et publics, ceux qui relèvent du mécénat individuel ou d’entreprise comme du monde associatif ou de l’économie sociale. C’est ensemble que nous pouvons progressivement construire et développer un média local qui nous ressemble et surtout, qui soit à la hauteur des enjeux de notre région et de son devenir.

Jeudi 20 novembre, à partir de 18 h 30, parc du Loret à Cenon, débat organisé par l’Echo des Collines sur le journalisme de proximité, inauguration de ses nouveaux locaux et buffet.
Contact : 05 57 30 34 01 96 ou echo.collines@wanadoo.fr

Vincent Goulet
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