Santé connectée : atouts et besoins en Nouvelle-Aquitaine


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 06/11/2019 PAR Romain Béteille

Tous ont en tout cas souligné les atouts régionaux pour le développement de la e-santé, un secteur en pleine expansion. Pour Marine Cotty-Eslous, interrogée en tant que membre du Conseil National du Numérique (mais aussi fondatrice de Lucine et dont nous avions fait le portrait en 2017), ces atouts sont importants dans un secteur très large « qui va de la télémédecine aux thérapies numériques en passant par l’intelligence artificielle. Dans certaines villes, il y a des spécificités qui se dégagent. À Nantes, c’est plutôt la nanotechnologie. À Montpellier, c’est le monitoring et les applications mobiles. En Nouvelle-Aquitaine, je pense qu’il y a une vraie carte à jouer sur les thérapies numériques. À Bordeaux, l’IHU Lyric (rythmologie interventionnelle et modélisation cardiaque) est un centre d’excellence. Le CHU de Bordeaux est régulièrement loué pour ses capacités en termes d’innovation et d’accompagnement des patients et des professionnels de santé ».

Des atouts réels

Pour Yann Bubien, Directeur Général du CHU de Bordeaux, ces innovations ne sont impactantes que si elles sont correctement évaluées. « On veut que ce soit sécurisé, mais surtout efficace. Je pense qu’on a besoin de changer les méthodes d’évaluation clinique pour toutes ces innovations pour les thérapies numériques ». Maryne Cotty-Eslous, elle, parle plutôt de « construire un nouveau modèle de validation clinique. Il faut aussi questionner nos fondamentaux sur des volontaires sains et sur des essais cliniques de différentes phases. Il faudra structurer des dispositifs d’accompagnement à ces solutions pour les valider et les distribuer rapidement et permettre aux entreprises du secteur de bâtir un vrai business-model. On a tous les ingrédients, il faut les assembler ». Charlyne Quercia, Directrice Générale de la Fondation Bordeaux Université (associant public et privé) affirme que la e-santé représente « plus du tiers de notre activité, avec à l’heure actuelle plus d’une trentaine de projets mis à place grâce à nos mécènes, qu’il s’agisse de start-ups ou de grands groupes. Notre campus universitaire est innovant, il figure dans le classement de l’INPI parmi les cinquante premiers déposants de brevets en France et, selon un classement de Reuters, à la 24ème place des Universités les plus innovantes en Europe (cinquième position en France). Je pense que la force de notre territoire réside dans cette synergie des différents acteurs de la e-santé, en lien avec les entreprises. Enfin, il faut souligner la richesse de nos formations dans lesquelles les nouvelles technologies ont toute leur place ». 

Mais alors, si l’écosystème est riche et vivant, que manque-t-il à la Nouvelle-Aquitaine pour renforcer sa place dans un marché national qui devrait atteindre quatre milliards d’euros en 2020 ? Du lien, principalement. « C’est un écosystème facilitant si on connaît du monde, il y a beaucoup d’acteurs et de dispositifs qui existent, un jargon souvent indigeste et ce n’est pas facile de s’y retrouver, même si des structures sont là pour orienter. L’un des enjeux de French Tech Bordeaux, c’est de clarifier et de faciliter le dialogue et la connaissance auprès de ceux qui en ont le plus besoin », ajoute pour sa part Hélène Desliens de French Tech Bordeaux. « Il faut que les entreprises du secteur améliorent leur ancrage universitaire pour se développer et ne pas perdre de temps. Nous accueillons plusieurs start-ups parce qu’elles nous font remonter plus directement les besoins. En interrogeant nos professionnels, on voit que la très grande majorité des internes veulent aujourd’hui travailler dans des maternités de niveaux 2 ou 3, ils ont un attrait pour les objets connectés et des plateaux techniques importants. Les grands groupes comme Sanofi sont nécessaires pour faire des essais cliniques et assurer la sécurité mais les start-ups répondent aussi aux besoins sur lesquels les patients nous attendent. On leur offre un terrain d’application pour mettre en place leurs nouvelles solutions (par exemple Deski, intervenu dans le cadre de cette Grande Jonction 2019 et qui travaille sur l’imagerie médicale connectée) mais on se donne l’exigence de travailler avec des entreprises qui ont déjà démontré l’efficacité de ce qu’elles développent. L’idée n’est pas seulement d’acheter et de faire venir des choses nouvelles sur le marché, il faut aussi montrer que c’est efficace, ce qui peut ensuite être utile à ces entreprises pour rechercher des levées de fonds ». 

L’enjeu de la data

« Les entreprises ont avant tout besoin de vendre. Il faut trouver un moyen de proposer des solutions qui permettent à toutes ces sociétés de trouver un business model. Voluntis (thérapie digitale pour les personnes diabétiques) a encore du mal à trouver un modèle économique alors que sa solution a déjà prouvé son efficacité », rajoute Maryne Cotty-Eslous. Le plus gros problème à régler, c’est le manque de communication. La loi santé 2022 (tout comme la feuille de route numérique) et la création de l’espace numérique de santé et de son bouquet de services sera une étape décisive pour trouver un modèle économique et faire de nouvelles expérimentations locales. L’un des grands enjeux de la médecine du futur et l’un des principaux socles sur lesquels elle repose, ce sont les données. En France, la partie numérique du plan santé prévoit la mise en place d’un « Health Data Hub » (en plus de l’élargissement du SNDS, Système National des Données de Santé), un grand regroupement de données de santé dont il faudra « favoriser l’utilisation et multiplier les possibilités ». Dernièrement, dix lauréats ont été vainqueurs d’un premier appel à projet visant à mettre de « hub 2.0 » en place. Cette nouvelle stratégie d’accès aux données médicales fait même quelques envieux outre-Atlantique. Les experts interrogés s’accordent tous à dire, même si les contours de l’application effective de ce HDH sont encore très floues, que c’est le patient qui devra d’abord être pris en compte. « Il faudra s’assurer que le consentement du patient au partage de ses données, même anonymisées, a bien été respecté. Si tout le monde est d’accord, pas de problème, mais on a besoin de réfléchir à ça dès aujourd’hui. Les patients devront être associés à la réflexion », a ainsi affirmé Patrick Bobet, président de Bordeaux Métropole (et médecin généraliste de profession).

Chez Sanofi, par exemple, Isabelle Vitali évoque le programme « Darwin », lancé en 2017, une plateforme de données biomédicales rassemblant les données de tous ses essais cliniques « afin de les analyser et de mieux les comprendre. D’autres entreprises ont aussi partagé leur données anonymisées pour avoir une masse critique. Darwin pourra collaborer avec le Health Data Lab. Il faudra clairement une connexion, même si on ne sait pas encore quelle forme tout ça va prendre. Dans tous les cas, on a identifié l’écosystème bordelais parce qu’il est bouillonnant et qu’il y a un alignement de tous les politiques locaux pour favoriser l’innovation et une volonté d’inclusion. Sur la Biotech, par exemple, l’ENSTBB est une pétite. Aujourd’hui, sur la formation en biotech, Bordeaux est en tête de liste. Si le territoire doit se spécialiser dans un domaine particulier, il faudra voir les efforts du territoire et partir des forces qu’il a déjà acquises ». Le secteur est en tout cas en forte demande en région Nouvelle-Aquitaine : on y trouve 1400 emplois liés aux dispositifs médicaux, 5900 emplois dans l’industrie pharmaceutique. Au niveau national, selon un sondage de 2016, 78% des français interrogés étaient prêts à rendre accessible l’ensemble des données concernant leur santé à tous les professionnels. Enfin, au niveau mondial, le marché des objets connectés continue sa course : de 46 millions en 2015, leur nombre passerait à 161 millions d’ici 2020. « Il faut rester humble. Une révolution médicale, c’est un siècle. La e-santé a à peine quinze ou vingt ans. Il reste encore beaucoup de travail ». Les applications et la mise en place précise du Health Data Hub devraient constituer un morceau de choix pour aider à la structurer.

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