Secours Catholique : la pauvreté en France et en Gironde à la loupe


Secours Catholique
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 08/11/2018 PAR Romain Béteille

Etat des lieux dans l’Hexagone

C’est un document toujours scruté pour mesurer des tendances globales, même s’il donne une vision plutôt sombre de la situation. Ce jeudi 8 novembre, le Secours Catholique a sorti un nouveau rapport sur l’état de la pauvreté en France, avec des données de l’année 2017. Ce dernier est basé sur un système de fiches statistiques remplies avec les personnes accueillies dans les différentes antennes locales de l’association chaque année (86 275 fiches au niveau national). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que globalement, la situation, si elle ne s’aggrave pas dramatiquement, est tout aussi loin d’une amélioration. Dans les chiffres nationaux, d’abord, on constate plusieurs tendances. D’abord, les femmes sont plus accueillies que les hommes (56,1%). Parmi elles, beaucoup sont des mères isolées (40%) ou des femmes seules, en moyenne plus âgées. La plupart vivent sous le seuil de pauvreté, fixé à 855 euros. Si le seuil de pauvreté ne bouge pas, on ne peut pas en dire autant du revenu médian des ménages accueillis. Ce dernier, établi à 540 euros, diminue de 6 euros par rapport à l’an dernier. En 2017, 9 ménages sur 10 ont un revenu sous le seuil de pauvreté à 60% (en dessous de 1026 euros par mois) et près de deux sur trois pour le seuil à 40% (684 euros).

Le Secours Catholique assure constater « un creusement des disparités des profils, avec d’un côté une population française plus féminine et vieillissante et de l’autre une population étrangère plus masculine et jeune ». Reste que la part des adultes de nationalité française âgée de plus de cinquante ans augmente encore (un tiers en 2017, un quart en 2010). Les plus de soixante ans dépassent pour la première fois le seuil des 10%. 80% d’entre eux sont seuls ou en couple sans enfant. Les populations rencontrées sont également en majorité des chômeurs : « leur proportion dans les accueils est huit fois plus élevée que dans la population globale (67,8% contre un peu plus de 9%). Ils sont au chômage depuis plus longtemps (2,6 ans en moyenne en 2017, soit un an de plus qu’en 2010) puisque six sur dix le sont depuis plus d’un an, et les deux tiers d’entre eux ne reçoivent aucune indemnité car ils sont en fin de droit ou non couverts. Les tendances sont lourdes et ancrées, comme le souligne Alain de Brugière, président de l’antenne girondine de l’association. « Il y a de plus en plus cette impression d’impasse, avec des personnes en fin de droits et qui se retrouvent sans solutions. Pourtant, il ressort que les personnes sont plutôt bien accueillies par les fonctionnaires en charge de la protection sociale, mais cette dernière fonctionne trop en silo et ne protège pas suffisamment les personnes les plus fragiles dans le cas de ruptures d’aides ou d’imprévus ». Dans plus de la moitié des cas (53%), les personnes accueillies au niveau national ont en effet connu des ruptures de prestations sociales. « Il y a une demande très forte pour repenser le parcours : avoir moins de guichets mais plus d’accueil avec un interlocuteur unique ».

En Gironde aussi, les écarts se creusent

Le constat local n’est pas beaucoup plus reluisant. Si les personnes sont plus nombreuses à venir de leur propre initiative, la majorité a été orientée par les services sociaux (71,5%, +2,9% par rapport à 2016). La majorité vient d’un « grand pôle » urbain, a fait des études secondaires et supérieures (82,3% contre 73% en 2016 et 59,9% en France) et a entre 25 et 39 ans. On rencontre également beaucoup de mères isolées et des couples avec enfants. Les principales demandes concernent l’aide alimentaire (38,3% contre 47% en 2016, en repli donc) mais aussi l’accueil et l’écoute. Du point de vue des nationalités, 73,5% des personnes accueillies en Gironde sont françaises (61,3% en France), avec tout de même une hausse des étrangers venus d’Europe de l’Est. Les seniors sont, tout comme au niveau national, plus présents dans ces statistiques. Là où c’est moins rassurant, c’est dans les profils de ménages les plus rencontrés. Alors qu’il s’agit des mères isolées en France et des hommes seuls en Nouvelle-Aquitaine, quasiment 30% du public girondin est constitué de couples avec enfants. En revanche, il y a une importante différence au niveau des personnes sans ressources qui sont moins nombreuses sur le département, et l’intérim saisonnier et les temps partiels sont en légère baisse (10,5% contre 12,7% en 2016). 28,6% touchent le RSA, 69% touchent des prestations logements contre 58,3% en France. Les ressources mensuelles, elles, sont en légère augmentation (983 euros contre 909 euros en 2016). Sans grande surprise, l’étude départementale pointe également des loyers élevés (+3,87% entre 2016 et  2017) et, plus étonnant, 19,2% des personnes rencontrées sont sans droit reconnu au travail, soit une hausse de 6,4% par rapport à l’an dernier.

Le plan pauvreté, une « impulsion intéressante »

Au moment du bilan, le constat est plutôt amer (malgré quelques indicateurs positifs comme le taux de CDI, plus élevé en Gironde) : les services sociaux ont tendance à basculer plus souvent les demandeurs vers ce type d’associations, les publics sont plus fragilisés, beaucoup sont des premiers contacts, ont des enfants ou sont seuls et isolés. En septembre dernier, la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté a été détaillée par Emmanuel Macron. Si certaines mesures (comme le revenu universel d’activité) sont plus discutées que d’autres, pour Alain de Brugière, il s’agit là d’une première étape plutôt louable pour endiguer le phénomène. « On a l’impression que le regard du Président de la République a bougé, il a visiblement compris que les pauvres faisaient aussi partie de la société… On retrouve beaucoup de points proposés par les associations qui figurent dans le plan. Cela dit, ce n’est sûrement pas suffisant, je pense aux montants proposés pour le financement des repas scolaires. Sur les huit milliards (en fait, 8,5 milliards d’euros sur quatre ans, ndlr), on peut au moins dire que la moitié constitue du recyclage. Mais il faut un début. Certaines mesures sont positives et on pense qu’il y a des étapes intéressantes. Notre enjeu, c’est la vigilance pour travailler avec le gouvernement, en espérant qu’il soit coopératif ».

L’une des carences majeures soulignées par le Secours Catholique dans son rapport, c’est l’absence de possiblité de formations pour les personnes en situation de précarité. « C’est vraiment un souci parce que les entreprises, sauf certaines qui ont des politiques de responsabilité sociales, n’ont pas cette culture d’aller chercher des personnes en difficulté pour les former. Pour les chômeurs de longue durée, les partenaires sociaux qui répartissent les enveloppes de formation ont l’objectif de former des gens qui soient prêts à l’emploi rapidement et les entreprises ont des exigences d’efficacité immédiate. Pour aller chercher ceux qui sont loin de ce flux, ça reste compliqué ». A ce titre, l’allongement de la période de formation obligatoire pour les jeunes en décrochage à partir de 2020 paraît faire office d’esquisse, peut-être renforcée par les contrats d’insertion par l’activité économique s’adressant à des personnes très éloignées de l’emploi, avec 500 millions d’euros débloqués pour l’accompagnement individualisé. La réorganisation annoncée des employés de la fonction publique et l’annonce de leur future évaluation, en revanche, fait douter de la « fin des guichets » souhaitée par les associations caritatives comme le Secours Catholique. D’autant que le non recours aux prestations sociales est en hausse : un ménage sur trois en France rien que pour le RSA, principalement des pères et hommes seuls… et des couples avec enfants.

L’info en plus : vous pouvez retrouver toutes ces données et d’autres, plus détaillées, sur le site internet        www.secours-catholique.org.

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