Semaine de la mobilité : « Demain : Fini la voiture ? » Pas si sûr…


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 21/09/2020 PAR Solène MÉRIC

Si durant le confinement on a bel et bien assisté à un effondrement global des déplacements, celui-ci en vérité n’a pas été homogène. C’est un des constats dressés par Stéphanie Vincent qui mène une étude sur les effets de la crise sur nos pratiques de mobilité. « En ce qui concerne la métropole lyonnaise, on constate une fracture territoriale entre Est et Ouest. Dans la couronne Est on a continué de se déplacer quand à l’Ouest on a vraiment arrêté ». Un constat qui a une explication : « C’est lié à la structure socio-économique de la métropole. Il y a eu plus de télétravail à l’Ouest, qui abrite principalement des cadres et professionnels du secteur tertiaire, qu’à l’Est, où les activités s’organisent autour de grandes plateformes, donc sans télétravail possible. »

Au-delà de souligner qu’il y a une injonction à la mobilité qui différe selon son cadre socio-professionnel, la chercheuse ajoute aussi rapidement que dans les cas où il est possible, « le télétravail n’est pas pour autant la solution miracle » en termes de déplacements en général et de déplacements automobiles en particulier. En effet un salarié qui se rend sur son lieu de travail une à deux fois par semaine au lieu de cinq, prendra certains arbitrages sur son mode de transport : « un abonnement au train devient dans ces conditions beaucoup moins intéressant, de même si c’est occasionnel, le salarié est davantage en capacité de subir les bouchons mais aussi de faire plus de kilomètres, se disant que le télétravail lui permet d’habiter plus loin. Or l’allongement des distances, n’est pas forcément bon pour l’environnement ».

« Il faut avoir une politique de la voiture »
L’environnement, mais aussi la santé, c’est bien là le moteur des politiques de mobilité axées sur le développement du vélo, ou autres mobilités dites « douces », des transports en commun ou multimodaux… Des politiques faisant échos à « un discours public plutôt anti-voiture », selon les mots de Bernard Vincent. Mais, souligne-t-il d’emblée, « il y a un hiatus entre ce discours, qui a été longtemps plutôt marginalisé, et la réalité des déplacements, notamment dans les zones peu denses, c’est à dire les zones péri-urbaines, péri-urbaines lointaines et rurales, situées de 20 à 40 km des villes. Ce sont pourtant les zones où la population croît le plus, et où il y a une réelle dépendance à la voiture ». Pour preuve, « la réalité du parc automobile est largement sous-estimé », ajoute l’économiste qui l’évalue, en France, à plus de 40 millions de voitures, c’est à dire pratiquement 50% de plus qu’il y a 30 ans. Un parc qui plus est vieillissant, par souci d’économie, et donc d’autant plus polluant.

Plutôt que d’aggraver ce hiatus et cette incompréhension réciproque entre une politique publique pensée pour (et par) les métropoles, et le monde rural et périurbain, il propose à l’inverse « de reconnaître l’omniprésence de l’automobile et de la prendre en compte dans les politiques de mobilité, plutôt que de chercher à la chasser à tout prix. Et particulièrement dans ces zones peu denses, où la population ne cesse de croître ». Pour ce faire, appuie aussi la sociologue, « il faut territorialiser les politiques publiques de la mobilité » .
En d’autres termes, selon l’économiste, « il faut avoir une politique de la voiture ». Une proposition qui pour le moins dénote dans les discours ambiants. « Avoir une politique de la voiture, c’est permettre aux gens de s’équiper moins mal, et notamment de soutenir l’électrique, c’est valoriser le partage, c’est appuyer les plans de déplacement dans les entreprises, … »

Focus sur l’usager… et les AOT pour des politiques différenciées
Et la récente Loi d’Orientation sur les Mobilités (loi LOM) pourrait sur ce point aller dans le bon sens, reconnaissent les deux intervenants. D’abord « parce qu’on n’y parle plus tellement de transport mais de mobilité. Ca veut dire que l’on n’est plus axé sur le transporteur, autrement dit sur l’offre, mais sur l’usager, sur la demande… C’est un renversement de perspective qui est intéressant », juge la sociologue.

Bernard Julien quant à lui appuie sur l’absence de zone blanche que veut instaurer la loi en termes d’Autorités Organisatrices de Transports. « C’est la Région qui aura a chapeauté ce mouvement de multiplication des AOT. A elle donc de veiller à ce que les politiques de mobilité se fassent au plus près des besoins de chaque territoire, et pas selon une normativité de métropole qu’on chercherait à déployer partout… Bordeaux n’est pas Libourne ni Langon… Les nouvelles AOT doivent être des arènes différentes avec des connexions qui ne se faisaient pas jusque-là. Il faut avoir le courage de mettre en place une politique de mobilité différente et de la voiture, mais une politique dans laquelle sont aussi associés les acteurs sociaux, qui connaissent bien les problèmes de mobilité, puisque c’est un des freins principal à l’emploi…. » Un cercle de connexions qu’il élargit jusqu’aux organisations syndicales, dans le cadre notamment des plans de déplacement des entreprises, et aux garagistes. « Que ce soit pour développer le véhicule électrique ou promouvoir le co-voiturage et les zones de parkings dédiées, il est possible que ce soit de très bons prescripteurs de terrain… ».
Pour autant, nuance-t-il, « une fois qu’on a dit ça ça ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire dans ces zones peu denses sur les déplacements à vélo ou vélo électrique… A condition de ne pas plaquer les modèles métropolitains sur des territoires dont les référentiels et les modes de vie sont tout autres. »

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