Tribunes de la presse: quel avenir des différents métiers?


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 28/11/2020 PAR Mélanie Philips

 Avec la pandémie que le monde et la France traverse, certains métiers sont devenus essentiels. Des métiers qui avant la crise sanitaire, n’étaient pas très valorisés. La Covid-19 a donc servi de révélateur et d’accélérateur de tendances. Si certaines professions ont été mises en avant , comme celles de la santé, de l’industrie agroalimentaire, les commerces alimentaires, d’autres ont en revanche baissé dans l’imaginaire social. Les quatre intervenants présents autour de cette table ronde avec Didier Pourquery comme animateur ont essayé de voir à quoi ressembleront les métiers de demain et surtout, comment faire pour former les jeunes. 

La première question que se pose Pierre Ferracci, c’est : est-ce que les métiers de demain sont réellement nouveaux, ou seront-ils des métiers qui vont changer fortement avec, à la fois la révolution numérique, la révolution environnemental et écologique? Il n’a pas la réponse. Mais une chose est sûre, c’est qu’ « avant de regarder ce qui va être l’enjeu de 2030 et des années suivantes, il faut essayer de sortir de la crise actuelle, de façon à peu près convenable », pour le président du groupe Alpha. Depuis le début de l’épidémie, des restructurations massives ont déjà commencé et elles vont conditionner le moyen et long terme. Bien que des mesures de relance aient été prises – et on a l’impression qu’elles sont conséquentes – par rapport à nos voisins Allemands, Espagnols ou encore Italiens, « on se rend compte qu’on fait beaucoup, mais pas tant que ça par rapport à eux », poursuit-il. Pour Jean-Luc Placet, il semble important que les entreprises et chefs d’entreprises, regardent « avec un bon dialogue social quels sont les métiers menacés, quels sont ceux qui vont devenir très précaires parce que la situation ne permet plus de les conserver ? ». 

La covid-19, un véritable accélérateur 

 Avant d’aborder la question des métiers de demain, parlons de ce qu’a accéléré cette crise sanitaire et  quels changements cela implique. La pandémie a très fortement accéléré la révolution numérique. Un point que Pierre Ferracci juge « inquiétant ». De nombreux enjeux de digitalisation étaient déjà, avant la crise, au coeur des préoccupations des entreprises mais ceux-ci ont été pris à « bras le corps et de parfois de façon un peu brutale et désordonnée », selon M. Ferracci. Par exemple, le télétravail s’est fait une place dans le débat, beaucoup plus importante que celle qu’il avait avant. Parce qu’on ne va pas se mentir, si beaucoup d’entreprises ne faisaient qu’en parler avant, il a été développé massivement durant le premier confinement. La crainte de Pierre Ferracci, c’est la non maitrise de cette évolution numérique. Pour Sophie Binet et Pierre Ferracci, cette numérisation du travail se fait « pour le meilleur et pour le pire ». Chacun souligne les avantages et inconvénients. Selon le président du groupe Alpha, il peut permettre autant un équilibre vie professionnelle/vie privée, mais aussi « une dégradation des conditions de travail si on fait pas attention aux cadres de la vie privée ». Il poursuit sa logique en soulignant que le télétravail peut aussi être un élément de croissance forte de la productivité, notamment avec l’économie du temps de transport. La question est : va-t-il aller à l’entreprise ou bien à cet équilibre vie professionnelle vie privée ? En plus des effets positifs et négatifs du télétravail Sophie Binet réagit quant à elle sur « la possibilité de délocaliser davantage d’emploi et surtout de l’emploi industriel ». L’enjeu numérique n’est pas le seul qui a fait son apparition durant cette crise et qui vient perturber la structure des métiers. Les enjeux environnementaux et écologiques pointent aussi le bout de leur nez, et pour Pierre Ferracci, « il va falloir là aussi trouver des équilibres entre le social et l’écologie, entre le numérique et l’écologie ». 

 Revaloriser les métiers oubliés

Selon certains spécialistes, si certaines professions ont été mises en avant par la crise, d’autres métiers sont mis à mal. Notamment dans le secteur du tourisme, de l’aéronautique ou encore de l’évènementiel. 

 La pandémie a mis en évidence des métiers quelque peu oubliés, qui pouvaient être sous-estimés et qui sont, bien souvent, peu attractifs car la rémunération laisse à désirer. Des métiers qui ont été applaudis lors du premier confinement, ceux qui étaient au front : personnel hospitalier, ceux qui ont fait marcher l’alimentation etc. « Il y aura un enjeu derrière, qui est un enjeu de revalorisation de ces métiers », explique Pierre Ferracci. Un point sur lequel se rattache Xavier Bertrand, qui s’appuie sur l’ouvrage de David Goodhart  » La tête, la main et le coeur », qui dit que « si nous voulons être au rendez-vous des attentes sociales et sociétales, il va aussi falloir mieux rémunérer à la fois ses métiers du cœur mais aussi les métiers de la main », explique-t-il. Des questions de revalorisation déjà abordées et pourtant… nous attendons encore ! Sophie Binet, insiste d’ailleurs dessus en soulignant que « la majorité de ces personnels n’ont eu aucune reconnaissance salariale ». L’ex ministre est pourtant ferme sur ce sujet : « Derrière ces nouveaux métiers, il y a aussi leur rémunération. Si on ne change pas ça, à un moment donné on sera en difficultés sociales et sociétales ». Mais alors, à quoi peuvent ressembler ces métiers de demain, et surtout, comment on les forme?

Quels sont les métiers de demain? 

On l’a dit, certains secteurs sont mis à mal par cette crise. Mais comme le souligne Xavier Bertrand, « il y a des secteurs qui vont continuer à recruter : la santé, le digital, et l’industriel notamment ». Pourquoi ceux-ci? Sophie Binet a une explication plutôt simple et rationnelle : « pour anticiper les métiers de demain, il faut partir des besoins de la population. Et c’est bien ça qu’a montré le confinement avec la question des métiers essentiels; c’était cette question de l’utilité sociale des métiers ». Mais, inévitablement, quand on parle de révolution numérique, on parle d’automatisation. Seulement, pour la dirigeante confédérale de la CGT, bien qu’il y ait de nombreuses possibilités d’automatisation, « il y a plein de métiers du relationnel qu’il ne faut surtout pas automatiser, parce que sinon on n’aura plus de lien social ». Et puis est-ce qu’automatisation rime forcément avec chômage, non. C’est ce que Sophie Binet a pris le temps d’expliquer en prenant l’exemple de l’Allemagne, qui est l’industrie la plus robotisée du monde. Dans ce pays, malgré ce phénomène, les pertes d’emplois n’ont pas été dévastatrices « parce que cela s’est accompagné d’une réduction du temps de travail très importante avec la revendication des 28 heures », explique-t-elle. En procédant ainsi, la réduction du temps de travail ne se fait pas sous forme de chômage avec une baisse du temps de travail qui est subie par l’employé et qui l’exclut du marché du travail mais plutôt par une réduction collective de ce temps. Ce qui permet un bien-être social et sociétal. 

 Pour pouvoir arriver à ces métiers de demain, un enjeu de formation professionnelle est nécessaire selon Pierre Ferracci. Si pour autant on ne sait pas de ce qu’il adviendra de 2030, une chose est certaine : « il faut que les jeunes soient mieux armés. D’une part en ayant une bien meilleure culture générale que celle qu’ils ont actuellement. D’une autre part en terme de formation professionnelle. Les fondamentaux à l’école primaire c’est aussi fondamental que les choses que l’on apprend sur le marché du travail », tient-il à souligner.

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