Urgence sur les urgences : exemple à Oloron-Sainte-Marie


Durant les dernières semaines, 7 centres hospitaliers ont fermé ponctuellement leurs services d'urgences en Nouvelle-Aquitaine.

Les urgences d'Oloron-Sainte-Marie dans les Pyrénées-AtlantiquesAqui.fr
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 20/05/2022 PAR Solène MÉRIC

En Nouvelle-Aquitaine, la moitié des services d’urgences sont dans une situation de grande fragilité, selon l’Agence Régionale de Santé. Les centres hospitaliers de Jonzac en Charente, Sarlat en Dordogne, Montmorillon en Vienne, Orthez et Oloron dans les Pyrénées-Atlantiques, l’hôpital interarmées Robert Picqué et le Centre hospitaliers de Sainte-Foy-la-Grande, en Gironde, sans oublier l’hôpital Pellegrin au CHU de Bordeaux sont concernés et ont annoncé des fermetures ponctuelles ou des réorganisations de leurs accueils. Le personnel manque cruellement, surtout les médecins urgentistes. Focus sur le centre hospitalier d’Oloron qui après avoir annoncé début mai, une fermeture du service des urgences jusqu’en septembre, a pu trouver des solutions pour maintenir le service jusque fin juin. Sursis et système D face à l’ampleur des difficultés.

Jongleur acrobate en milieu hostile. C’est peu ou prou les compétences que semble requérir le poste de directeur de centre hospitalier ces temps-ci; celui d’Oloron-Sainte-Marie en tous les cas. Pas de confusion, le milieu hostile c’est notamment « le contexte de fragilité structurelle de nos hôpitaux », pour reprendre la description « sans langue de bois » de Maritxu Blanzaco, directrice de l’ARS dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Mais à Oloron, c’est aussi des travaux sur site en cours depuis 7 ans et l’inconfort des conditions de travail qui va avec, une récente cyber-attaque de l’établissement et bien sûr, comme ailleurs, un contexte de « fin » de crise COVID qui a essoré jusqu’à la moelle nombre de personnels déjà à bout.

« Tenir la baraque »
« Depuis quelques années, notre hôpital souffre d’un manque de praticiens dans tous les services. Nous fonctionnons avec deux tiers de remplaçants de manière constante », pose d’entrée Frédéric Lecenne, le directeur de l’hôpital. Sont concernés notamment le service de médecine, « le poumon de l’hôpital », privé pourtant de médecin titulaire ; la gériatrie, ou encore la chirurgie, où le problème s’est accentué par manque d’anesthésistes. Plus probant ces temps-ci, les services des urgences, « le coeur du dispositif de l’hôpital ».

Outre le SMUR, piloté par le 15, « il faut 2 urgentistes de manière constante et pérenne pour faire fonctionner les urgences. On a besoin de 11,5 équivalent temps plein de médecins urgentistes, or l’hôpital d’Oloron fonctionne depuis plusieurs années avec la moitié, soit 4,5 titulaires ».

Pour « tenir la baraque », les médecins urgentistes d’Oloron, comme ailleurs, travaillent avec des médecins contractuels, qui sont « la plupart réguliers dans l’établissement », précisent le directeur. Ils comblent, un peu selon leur gré, des plages de gardes sur le planning général. Au regard de leur statut et rémunération avantageuse, ils refusent toute titularisation.


« La profondeur de la plaie »
Au début du mois de mai, cette pénurie d’urgentistes, « l’hôpital l’a pris en pleine figure », décrit Frédéric Lecenne. En raison de 4 arrêts maladies simultanés (sur 4,5 médecins titulaires), « on s’est retrouvé avec zéro médecin urgentiste, et sans visibilité jusqu’à septembre. Un moment grave et aigu pour nous ». Face à des plannings vides sans solutions de remplacement, et en lien avec l’ARS, il n’y avait pas d’autres choix que de fermer le service.

« Une conjoncture très difficile », appuie la représentante de l’ARS, « n’importe quel hôpital n’aurait pas pu s’en relever ». Car la fermeture des urgences, « ça signifie aussi que les services de l’hôpital ne peuvent plus fonctionner puisqu’il n’y a plus de porte d’entrée pour hospitaliser les patients », détaille le directeur. « Ca a montré la profondeur de la plaie que l’hôpital d’Oloron connaît ».

Après l’annonce de la fermeture des urgences jusqu’au 30 juin, c’est finalement grâce à la mobilisation, la « solidarité », précise le directeur, des médecins contractuels habituels que les plannings ont pu de nouveau peu à peu se remplir, et garantir ainsi la sécurité des prises en charge aux urgences.

Camion du SMUR des urgences du centre hospitalier d'Olonron-Sainte-MarieAqui.fr

Camion du SMUR des urgences du centre hospitalier d’Olonron-Sainte-Marie

« Il y a des choses à revoir »

« L’hôpital est aussi leur outil de travail. Ils ont ajouté des plages de garde aux plannings des urgences et ont fait venir de nouveaux médecins via leurs propres réseaux », explique le directeur habitué des gestions de charges souvent au jour le jour. Un sujet qui pose notamment question en matière de structuration des recrutements. L’hôpital a également reçu le renfort d’un médecin militaire de Pau en application d’une convention entre l’hôpital et la médecine militaire, qui risque d’être plus régulièrement mise en œuvre, selon les possibilités de l’Armée.

Si le planning est bouclé pour mai et juin, «  il y a quand même quelques trous et la situation reste fragile », tient à avertir la directrice départementale de l’ARS. « Pour ces trous, on a un urgentiste, il faut trouver le deuxième. » Si ce n’était pas le cas se mettrait alors à nouveau en place un système de « service gradué » des urgences, c’est à dire un accès aux urgences régulé via le 15.

« Le maintien des urgences vitales, le SMUR, n’est jamais mis en débat », insiste Maritxu Blanzaco. Sur Oloron, en cas de fermeture, c’est le SMUR de Pau par vecteur hélitroyé qui prend le relais. La limite, souligne Bernard Uthurry, Maire d’Oloron, c’est que ce mode de fonctionnement « dégradé, plutôt que gradué », ne pourrait pas prendre en charge 2 urgences vitales simultanées…

S’il ne doute pas de « la sincérité des efforts déployés » tant par l’ARS que par la direction de l’hôpital, il est sans concession sur les difficultés structurelles des hôpitaux de la région, pointant aussi au passage la fragilité des urgences de Pau. « Il faut se pencher sur le vrai problème : celui de mieux répartir les médecins sur le territoire », insiste-t-il.

Attractivité et recrutements
La période estivale, avec les congés des médecins qui en ont bien besoin, promet aussi son lot de difficultés, partout dans la région. A cela s’ajoute d’autres facteurs aggravants : l’âge des médecins titulaires; problème plus aigü encore pour les urgentistes, dont beaucoup changent de service autour de 55 ans en raison de la fatigue physique et psychologique liée au métier.

En un mot comme en mille il y a donc bien une question de recrutement à régler. « Il y a aussi une perte d’attractivité à cause de rémunération moindre dans le public. Le Ségur prévoit des mesures dans ce sens », rappelle Maritxu Blanzaco.

Un deuxième axe de travail s’attèle à la réorganisation des services des urgences. « Il existe une réserve sanitaire au niveau national, tombée en désuétude, réactivée à la faveur du Covid, et des tensions actuelles. Au-delà de ce dispositif, le directeur général de l’ARS a l’intention de créer une réserve sanitaire régionale. L’ARS ferait des contrats avec ces réservistes (médecins jeunes retraités, ndlr) pour aider ces territoires en tension. » expose la responsable.

Maritxu Blanzaco, directrice de l'ARS dans le département des Pyrénées-Atlantiques et Bernard Utthury, maire d'OloronAqui.fr

Maritxu Blanzaco, directrice de l’ARS dans le département des Pyrénées-Atlantiques et Bernard Utthury, maire d’Oloron

Solidarité inter-établissements

Si cette réserve est encore à « l’état de projet », le travail est un peu plus avancé sur la mise en place d’une Equipe territoriale des urgences, un peu gelé par la période Covid. « Mais ça repart », assure la représentante de l’ARS pointant des concertations menées entre les hôpitaux d’Oloron, Orthez et Pau « tous en situation critique ». Outre cette solidarité inter-établissements, il est également travaillé une relation resserrée avec la médecine de ville dans une logique de soins ambulatoires permanents, permettant d’éviter des entrées aux urgences en week-end, indique-t-elle. Sur ce territoire oloronias, elle rappelle aussi le projet d’une maison de santé « qui permettra la prise en charge de soins non programmés à partir de 20 heures ».

Enfin au niveau régional, l’ARS rappelle que sont en cours de création des dispositifs de coordination avec les Ehpad, pour permettre l’hospitalisation directe des personnes âgées, en évitant un inutile passage par le service des urgences. Pour ce faire, est mis en place une hot-line gériatrique départementale complétée par des soignants formés aux soins d’urgences en Ehpad.

 

L’info en plus :
Compte tenu de l’évolution démographique de la rive droite, l’ARS a autorisé la création d’un service d’urgences supplémentaire dans la Métropole bordelaise qui vient de se concrétiser par l’ouverture, ce 19 mai à la Nouvelle clinique Bordeaux Tondu de Floirac. Il permettra à la population de la rive droite de bénéficier d’une prise en charge adaptée et de décharger les autres services de la métropole, notamment à Pellegrin.

 

Quelques chiffres en Nouvelle-Aquitaine:

66 Services d’Urgences (dont 3 services d’urgences pédiatriques)
4 500 passages par jour dans les services d’urgence en Nouvelle-Aquitaine
13 Services d’aide médicale d’urgence (SAMU) – Centre 15
Durée moyenne de passage dans un service d’urgences en Nouvelle-Aquitaine : 4h41

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