Appellation d’origine contrôlée : protection ou prison pour les vignobles bordelais ?


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Publication PUBLIÉ LE 27/09/2010 PAR Solène MÉRIC

Eric Bantegnies, vigneron indépendant à Cubnezais, n’hésite plus, comme beaucoup de ses confrères viticulteurs, à considérer que « si les AOC protègent, elles emprisonnent aussi ». Si le mot semble fort, il se révèle d’autant plus appropié en période de crise. Un enfermement qui se joue tant au niveau de la production du vin, que de sa commercialisation.

« Trop d’appellations dans l’appellation »
Pour nombre de viticulteurs, « il y a trop d’appellations dans une appellation. L’export ne peut pas comprendre ». Et il est vrai qu’entre les appellations génériques ou régionales, les appellations sous régionales et les appellations communales, sans même tenir compte de la notion de cru ou de classement, la complexité est grande. Une personne non initiée à ces subtilités, et donc a fortiori un étranger, aura objectivement du mal à s’y retrouver. D’autant que « sur les marchés extérieurs, le repère sur le vin se fait principalement par le cépage », précise Eric Bantegnies. Pour les acheteurs étrangers, l’inscription « merlot » ou « cabernet sauvignon » sur l’étiquette aura donc davantage valeur de repère que l’indication d’une AOC communale issue d’un terroir qui n’évoque rien pour eux. S’il est indéniable que le nom de Bordeaux bénéficie toujours d’une certaine aura, ce n’est pas le cas de l’ensemble des 57 appellations du vignoble bordelais. Plus que l’AOC en elle-même, c’est donc leur nombre qui complexifie l’offre au point que l’acheteur étranger s’y perd. Pour preuve, si le cépage est un repère important pour l’export, Eric Bantegnies note tout de même sur le marché à l’export, « un retour à l’AOC ». Un retour également noté par Renaud Jean, Vice-président des viticulteurs de Gironde qui, dans son ouvrage « Restera-t-il des vignerons à Bordeaux ? » rappelle par exemple que « le Chili dispose de 5 régions et 13 sous régions ou appellations d’origine ». On est loin des 57 appellations reconnues sur l’étendu du seul département de la Gironde…

La notion d’AOC banaliséeEric Bantegnies, du Château Bertinerie
Mais, Selon Eric Bantegnies, la barrière de l’AOC joue désormais aussi sur le marché interne, en raison notamment d’une concurrence nouvelle des vins sous IGP (indication géographique protégée). En effet, selon le viticulteur, l’IGP, mis en place à l’été 2009, « vient banaliser la notion d’AOP en créant une confusion pour le consommateur ». Or, contrairement à l’IGP, qui met en avant un territoire géographique assez large, « l’AOC comporte une vraie garantie de qualité ». Pour autant, dans les vignes, les cahiers des charges des AOP ou des IGP sont loin d’être équivalents.

Obligations et coûts de production à la hausse
Pour les viticulteurs en AOC, c’est justement la lourdeur de ce cahier des charges, toujours un peu plus strict en termes de contraintes techniques et administratives, qui vient rajouter un poids financier à l’exploitation. A force de renforcement des cahiers des charges d’agréments à l’AOC « on a défini des obligations de moyen supérieures à l’obligation de résultat : la surface foliaire, la distance des pieds au centimètre près, ce sont des critères très techniques et très objectifs, mais ça n’engage pas sur la qualité ! Qu’il y ait des conditions, d’accord, mais qu’on en soit allé à définir avec précision le diamètre du pressoir par exemple, c’est quand même une aberration ! » se désole Renaud Jean. De même sur l’administratif, pour Eric Bantegnies : « Nous sommes des vignerons artisans, pas des industriels, ce n’est pas notre métier que de passer des jours à remplir des papiers alors qu’on devrait être en train de travailler notre produit ou chercher à le vendre ». Des obligations qui ne cessent d’alourdir les coûts de production, dans un contexte où le prix du vin n’a, quant à lui, jamais été aussi bas.

Solène Méric

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