Bérénice- Martinelli : l’histoire d’une rencontre manquée


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 14/03/2008 PAR Joël AUBERT

Replongeant pour l’occasion dans les vers du dramaturge, il a souhaité confier le rôle délicat de Bérénice à Marie-Sophie Ferdane, pensionnaire de la Comédie Française, tandis que Patrick Catalifo incarnait le personnage de Titus. Dans une mise en scène de facture extrêmement classique, prenant le parti pris de la sobriété pour laisser place à l’émotion, les deux comédiens nous invitaient ce soir-là à écouter la langue si singulièrement riche de Racine, espérant par la même occasion nous entraîner dans leur passion. Mais les cœurs sont instables et rien n’est moins aisé que de réussir à tous les conquérir, libre alors à chaque spectateur de succomber…


Bérénice- Martinelli : l'histoire d'une rencontre manquéeUne retraite classique arrivée sur le tard

Jean-Louis Martinelli avoue avoir attendu 40 ans avant de se lancer dans la mise en scène d’un classique, échaudé par la vision qu’il en avait gardé de l’école. Après avoir succombé aux sirènes d’ « Andromaque » en 2003, il se laisse finalement séduire par la pureté racinienne de Bérénice et décide de monter ce texte en mettant en lumière la beauté de langue et les enjeux politiques et sentimentaux de la pièce. Ainsi, point de fioriture sur scène, juste de très hauts panneaux de bois, propre à dissimuler cour et jardin, enfermant les personnages dans cette antichambre du drame pour les confronter pleinement à leurs actes et leurs conséquences. La pièce reposera entièrement sur le jeu des comédiens, seuls au centre de toutes les attentions, seuls capables de transposer ou non la charge émotionnelle présente chez Racine. De cette fable simple contant la liaison de Titus, empereur de Rome et de Bérénice reine de Palestine, ils auront la lourde tâche de l’élever « au rang d’un amour absolu et tragique », perpétuant la légende des deux célèbres amants.


Antiochus, Berénice et Titus: 3 personnages en quête d’incarnation


La première scène s’ouvre sur Antiochus, personnage malheureux sur qui s’acharne le destin. Un Antiochus colérique, rageur, aux intonations sourdes et grondantes, à l’excès, loin de la vision d’un homme résigné et esseulé par amour. Plus proche du fou que du prince, Hamou Graïa en donne une interprétation décalée, parfois légère, allant jusqu’à provoquer (volontairement ?) le rire chez le spectateur. Etonnant, lorsqu’on sait que le texte est une pure tragédie dominée par le sentiment d’élégie. La colère, celle qui résulte de la frustration amoureuse, règne sur le jeu des comédiens, faisant oublier les nuances du cœur et les tirades languissantes. Même constat pour P.Catalifo, qui bien qu’excellent dans sa façon d’habiter la scène et le texte, donne la vision d’un Titus ironique et en quête de pouvoir. Comment croire dès lors à sa passion amoureuse, lorsque jamais il ne laisse paraître dans son jeu la moindre tendresse pour Bérénice. De l’amoureux transi de Racine, il ne reste que l’empereur, un homme ambivalent qui se dissimule derrière une rhétorique implacable pour quitter sa reine. Bérénice enfin, enjeu de toutes les convoitises, elle aussi inquiète et fébrile. Interprétée par une Marie-Sophie Ferdane tendue à l’extrême, figée dans sa robe orangée, elle déclame à la perfection mais sans jamais parvenir à nous toucher. Héroine classique par excellence, le port altier bien en évidence, à aucun moment elle ne sort de son rôle et de son texte pour laisser parler ce cœur si ardent chez Bérénice. Chacun s’entretient sans approcher cette fougue, ce delirium décrit dans la pièce. Séparés par des disparités de jeux, tous trois dans des registres bien distincts, les comédiens ne permettent pas de recréer les liens intenses existants entre les personnages. Et si nous percevons distinctement les alexandrins, si l’éclairage politique est loin d’être inintéressant, pour autant on se demande que deviennent les amants derrière ces manigances et cette animosité omniprésente ? Et l’on reste sur sa faim devant tant de désincarnation et si peu de générosité. Car enfin, les tragédies ne sont elles pas faites avant tout pour nous transporter au delà de nos fauteuils rouges, aux côtés de ces êtres de malheur afin d’accomplir en toute sérénité notre catharsis. Peut être que pour cette Bérénice là, il eu mieux vallu en rester au stade de la simple lecture, afin de ne pas ressortir de la salle frustré et qui plus est dangereux aux yeux de la cité et de sa propre psyché.

Hélène Fiszpan


« Bérénice » de Jean Racine, mise en scène de Jean-Louis Martinelli
Du mardi 11 au samedi 15 mars au TnBA
Réservations par téléphone au 05 56 33 36 80 ou par internet www.tnba.org




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