Bernard Artigue, viticulteur et Président de la Chambre d’agriculture de Gironde: entre défi personnel et inquiétudes sociales


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 29/09/2010 PAR Solène MÉRIC

Installé en 1974, Bernard Artigue, viticulteur, possède désormais 40 hectares de vignes sur plusieurs sites. Il ne s’en cache pas, lui aussi subit la crise : « je vends essentiellement au vrac (85% de sa production, ndlr) avec un prix de marché qui ne permet pas de récupérer l’ensemble des opérations pour amener le vin à la qualité nécessaire. Incontestablement, c’est difficile pour nous. » Face à cela, il projette quelques adaptations sur son exploitation. Objectifs : réduire les coûts de production si possible, mais « ça a forcément des limites quand on veut faire de la qualité», et s’ouvrir de nouveaux marchés. « J’ai un fils qui arrive sur la propriété et qui va essayer de développer une vente plus directe. On va également développer une gamme bio. C’est un marché moins traditionnel qui colle sans doute un peu plus aux attentes d’une certaine partie des consommateurs, tout en coïncidant bien sûr avec un engagement personnel ».

« Ne pas être seul face à la crise »
Lorsqu’il met sa casquette de Président de la Chambre d’agriculture, Bernard Artigue insiste sur la nécessité que « les viticulteurs n’aient pas l’impression de se retrouver seul face à cette crise. » Il cite en exemple les audits mis en place par la Chambre d’agriculture pour aider les exploitations en difficultés. « On aide l’exploitant à formaliser ses besoins en fonction de la capacité des individus et de l’exploitation. Les solutions sont à plusieurs voies, il n’y a pas de recette unique à la réussite». Depuis 2003 environ 800 agriculteurs ont bénéficié de ce suivi spécifique. Un rôle d’accompagnement par ailleurs encouragé par le CIVB dans son plan Bordeaux-Demain. Mais Bernard Artigue le reconnaît, pour que la réussite soit au rendez-vous, « tout dépend des moyens que l’on met en face, notamment au moment de concrétiser la réflexion du viticulteur.»

Peur du gendarme, grandes surfaces et économie mondiale
Cela dit au-delà des exploitations, il n’oublie pas que « cette crise a plusieurs entrées ». A commencer par « la baisse de la consommation». Elle est « due à la peur du gendarme, mais aussi à une modification lente mais régulière des comportements des consommateurs vis à vis de leur alimentation ». Des comportements que la crise économique est, selon lui, venue renforcer. Mais, dans l’environnement de cette crise viticole, sa colère a une cible particulière : « la grande distribution et son incapacité à mettre en place une contractualisation partagée par les uns et par les autres. La course au moins disant pratiquée par les grandes surfaces doit s’arrêter, quand de l’autre coté les viticulteurs ont toujours plus de nouvelles règles à intégrer sans qu’on nous donne les moyens de les mettre en place. » Plus globalement encore, il ne peut séparer la crise viticole du  contexte d’une « économie mondiale à laquelle on n’était pas ou mal préparé. Sur le marché mondial, il faut accepter de ne pas être seul et voir les choses en face : soit on produit une certaine partie des volumes au prix mondial, soit on en est pas capable, et dans ce cas, il ne faudrait pas les produire ».

L’enjeu : le monde rural
En attendant que les choses s’améliorent, le Président de la Chambre d’agriculture de Gironde s’inquiète pour ces personnes en fin de carrière qui ont constitué un patrimoine désormais vidé de leur valeur. « Comment vont vieillir ces personnes là ? Avec quels moyens et dans quel confort ? D’une manière générale, notre environnement est façonné par l’agriculture et la viticulture; il y a un réel intérêt à ce que tout ça perdure, et avec un nombre d’exploitants suffisamment important… Il se joue ici un drame social. Si tout n’est plus que financier, il y a derrière tout ça une dimension humaine à prendre en compte pour la vie même de notre monde rural. »

Solène Méric

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