Le Grand Entretien: Jérôme Verschave, DG Aérocampus : « Une bulle où tout le monde de l’aéronautique se retrouve »


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Temps de lecture 11 min

Publication PUBLIÉ LE 30/08/2016 PAR Solène MÉRIC

@qui! : Lancée avec une équipe de 4 personnes, l’association Aérocampus vient de recruter durant l’été une trentaine de salariés montant l’équipe à plus de 80 personnes. Au lancement du projet, il y a un peu plus de 5 ans, auriez-vous imaginé un tel développement ?
Jérôme Verschave :
L’association a été créée en avril 2011, nous nous sommes lancés au premier mai et avons cohabité avec la Direction Générale de l’Armement jusqu’en septembre où nous avons démarré le fonctionnement sur le site. C’est donc cette année notre sixième rentrée, et on a 5 ans d’existence.
Sur l’anticipation du développement, on savait qu’il y avait un besoin, on savait où on allait. Tout en le faisant à Paris, c’est à dire que lorsqu’on reprend un site comme ça, que la région fait ce choix, qu’on crée une associaiton ad hoc, c’est toujours un peu à Paris que ça se passe. Par contre on savait qu’il y avait un besoin, on savait ce qu’on voulait faire. On avait bien préparé le terrain, mais effectivement on a tous été surpris par l’ampleur… Je crois qu’on a fait au bout de 2 ans, tout ce qu’on a dit qu’on allait faire… ! On a été beaucoup plus vite que prévu mais c’est dû à plein de choses. D’abord, un besoin réél des industriels. Ensuite, à une confiance qu’on a su instaurer avec eux, mais aussi à une région qui a mis les moyens permettant d’aller vite dans les travaux, dans la réhabilitation et modernisation du site. Et puis on a réussi à innover sur plein de choses. On a créé le premier Cluster de formation, on a créé le Salon ADS SHOW qui se tient cette année les 28 et 29 septembre, le lycée franco-allemand professionnel, la première pépinière d’entreprises de formation… Sur les outils innovants, on est les premiers à s’être dotés de salles de réalité virtuelle, avant même les grandes écoles. Tout ça fait qu’on a vite eu une crédibilité. Et puis le deuxième gros atout pour nous, c’est le lieu : on est capable à la fois d’accueillir le PDG d’un grand groupe en séminaire, comme un lycéen. On a créé ici une bulle où tout le monde de l’aéronautique se retrouve.

@! : Le cœur de métier d’Aérocampus, c’est la formation en maintenance aéronautique mais cette dimension a largement évolué en 5 ans ?
J.V. : Il y a eu une grosse évolution en effet. On est parti de la reprise d’un centre de formation en maintenance, qui reste effectivement le cœur de métier, mais on est devenu un Campus aéronautique et spatial. On a largement diversifié nos activités, même si nos formations initiales sont quand même très axées sur la maintenance, et nos formations professionnelles aussi d’ailleurs. Mais on est maintenant sur de la formation aéronautique pour beaucoup de choses qui ne sont plus forcément spécifiques à la maintenance.

Des dizaines de milliers de personnes accueillies en 5 ans
@! : Combien de jeunes sont sortis des formations que vous dispensez?
J.V. : Au total je ne peux pas vous dire précisément… Pour un ordre d’idée, il y a eu 91 jeunes en formation initiale en 2011, 285 cette année. Ensuite ça dépend, car il y a des cursus de 2 ans, d’autres de 3. Au total, ça doit faire environ 800 ou 900 élèves qui sont passés ici. C’est quelque chose d’important parce que c’est le quotidien, mais au total en 5 ans, on a accueilli des dizaine de milliers de personnes sur le site.
En effet, sur le site de l’Aérocampus, il y a 20 autres organismes de formation. Soit, ils sont chez eux, comme l’Institut de Soudure par exemple, soit ils utilisent nos moyens. C’est par exemple le cas d’Airbus Helicopters Training, qui a une structure permanente chez nous. Ils utilisent nos hangars à avions, notre pôle matériel, les salles… Ici on a donc aussi des écoles de stewards et hôtesses de l’air, de la maintenance hydraulique, du traitement d’images satellite, etc. Aérocampus est devenu un lieu d’accueil très important. Sur le site on doit être au total plus de 200 salariés, entre nous et tous ceux qu’on accueille.
Et enfin, on forme ici, on forme chez les clients, et on accueille les clients de nos clients… Airbus Helicopters par exemple, forme ses clients ici : quand ils vendent un hélico, ils forment sur notre site le mécanicien qui va s’en occuper.

Aérocampus et les jeunes en formation initiales


@! : Au total, vous êtes donc présents tout au long de la filière, tant en amont sur la formation initiale qu’à l’aval via des partenariats avec des entreprises qui font appel à vous ou vos équipements
J.V. :
Tout à fait. Typiquement le contrat que nous avons avec le Qatar, c’est ça. On est en soutien aux ventes d’avions de Dassault, on est un des bras de formation important de Dassault dans le cadre de la vente des avions. Comme Airbus Helicopters dans le cadre de la vente de ses hélicoptères. Ils ont un gros site à Mérignac, leur site historique, et maintenant, leur deuxième site c’est ici à Latresne. Cet été, on vient de recruter notre nouveau directeur de formation : avant ça, c’est lui qui a créé le campus de SAFT ici. C’est Bordeaux qui avait été retenu pour être le centre de formation clients du groupe, et c’est chez nous à Aérocampus que ça se passe concrètement.

@! : Et c’est tout cet ensemble qui forme le Cluster que vous évoquiez ?
J.V. :
SAFT, c’est un peu différent, parce que eux, ils ne sont pas dedans… Mais le Cluster, ce sont tous les organismes de formation, l’Institut de soudure, les dronistes (on a des écoles de pilotage de drones), les écoles, l’Enac, Sup Aéro, l’Institut de maintenance aéronautique… Tous ceux-là forment le cluster. En fait dans ce cluster, il y a des activités souvent complémentaires. Par exemple sur la formation de professionnels, on fait actuellement un gros chantier à Biscarosse qui consiste en la restauration d’un Grumman Albatros, un gros hydravion qui sera la pièce maîtresse du Musée de Biscarosse. Mais on ne le fait pas tout seul, on s’allie avec des gens qui ont des activités complémentaires. Nous on fait les ajusteurs, on travaille avec IFI peinture, pour la formation peinture, etc… Ce cluster il sert à ça : à nous apprendre à travailler ensemble et surtout à répondre de façon complémentaire à pas mal de demandes de formations. On s’aperçoit que de plus en plus, il faut s’allier parce que ce sont des formations de plus en plus sur mesures qui touchent le spectre de toutes les compétences. Autre exemple: on démarre un stage de câblage à destination des demandeurs d’emploi, cette fois avec l’AFPA.
Mais sur le cluster non plus, on ne s’en est pas tenu à la maintenance, on s’est élargi et on est devenu un Cluster aéronautique ( puisque je parlai des pilotes de drones), au sein de ce cluster, on a créé des groupes de travail par type d’activité.

« Doter l’Aquitaine d’une force de frappe »
@! : Au total, de la maintenance aux stewards et hôtesses de l’air, en passant par les drones, c’est une véritable stratégie de diversification…
J.V. :
Il faut dire que si on reste uniquement un centre sur la maintenance aéronautique, c’est dangereux. Car on est à la merci d’une décision telle qu’elle a été prise à l’époque : c’est à dire dépendant des financements publics et sur de la mono-activité…. Nous, notre objectif ça a été d’abord de doter l’Aquitaine d’une force de frappe et de pouvoir avoir une pérennisation et un développement de notre activité. En réalité, on a tout d’une entreprise mais on n’est pas une entreprise : nous n’avons pas d’actionnaires, ni de dividendes à verser et nous avons de l’argent public sur nos activités de service public. Pour tout le reste, on fonctionne comme une entreprise, on applique le droit du travail, on a des commerciaux, et on doit conjuguer le développement du service public par nos activités privées, c’est tout l’intérêt d’Aérocampus. Pour éviter la dépendance à nos moyens publics –on avait 100% de financements publics en 2011, contre 23% aujourd’hui– on ne va pas contre l’AFPA, l’AFPI, etc, plutôt, on les agrège pour répondre ensemble à de nombreux projets.

 

@! : Au-delà du développement des activités il y aussi un fort développement à l’international, pourquoi une telle volonté en ce sens ?
J.V. :
Il y a deux choses qui nous poussent. D’abord, il y a un besoin mondial, et ensuite la particularité des campus comme le nôtre, c’est qu’ils sont très réglementés en terme d’agrément aéronautique. On est surveillé par l’AESA (l’Autorité Européenne de Sécurité Aérienne), notre ISO 9000 à nous, c’est la PART 147. C’est l’agrément qui nous permet de réaliser ces formations. Et dans le monde, il n’y en a pas tant que ça des centres de formations qui peuvent s’en prévaloir, or le besoin est phénoménal. Les derniers chiffres sortis par Boeing considèrent qu’à 15 ans, on aura besoin de plus d’un million de pilotes et de mécaniciens, dont je crois, environ 600 000 mécaniciens. Il y a de plus en plus d’avions qui volent, il y a de plus en plus d’usines qui se construisent, et donc de besoin dans les pays pour former les gens, et sur ça ils ne sont pas très armés… Mais, c’est un peu une course contre la montre qu’on mène en la matière. On préfère être les premiers à jouer dans cette cour là, que de laisser notamment les anglo-saxons, qui sont les plus gros concurrents au niveau international, prendre des positions, et demain nous laisser à la traîne.
Donc, c’est important, c’est pour ça qu’on a développé la Suisse et que je repars bientôt en Inde après l’accord qu’on a passé avec le Gouvernement, les besoins y sont monstrueux. C’est pour ça aussi, et parce qu’on a un savoir-faire, qu’on a des formations avec le Qatar, qu’on est allé au Mali, à Singapour, même aux Etats-Unis pour des actions ponctuelles.

Essaimer le concept et être attractif
@! : Et l’avenir ? Aérocampus nous a habitué à avoir toujours de nombreux projets, il doit y en avoir encore quelques uns dans les cartons, non ?
J.V. :
D’abord, là nous sommes « mûrs »… C’est comme une PME, il faut passer les 5 ans, nous sommes en train de le faire. Je pense qu’on a bien structuré notre activité de base, tout ce qui est formation aéronautique. Deuxième volet, c’est le développement. Sur ce plan c’est bien parti, outre l’international, on a aussi pas mal d’actions en France : ça, ça roule.
Ensuite, on est sollicité sur un certain nombre d’autres sujets. Premier axe important : le naval. On a lancé une opération à travers un bateau de course qui est un peu le symbole de notre inscription dans le naval. Et pour quoi le naval ? Parce que dans aéronautique, il y a « aéro » et « nautique ». Même si ce ne sont pas les mêmes milieux, ce sont des milieux assez proches avec de nombreux métiers comparables, et il y a aussi des besoins dans ce secteur là.
Deuxième axe, un peu plus compliqué, c’est le Data Space Campus de Floirac, où on était vraiment bien parti, mais là on est bloqué. On est en panne sur le site (ndlr, Observatoire de Floirac) mais pas sur le projet. Pour autant nous ne lâchons rien, et pour l’instant on accueille ici tous ceux qui devaient aller s’installer sur le site de Floirac dès ce mois de septembre. On continue donc sur ce volet lié à la gestion et au développement de l’utilisation de la donnée, et la création de nouvelles formations du fait de l’utilisation de ces nouvelles données.
Troisième axe : nous voulons continuer à essaimer notre concept, à prendre des positions à droite et à gauche, à chaque fois avec un projet un peu différent, en fonction du besoin, on a déjà deux positions : une à Istanbul en Turquie et une à Sion en Suisse. Actuellement on travaille sur l’Inde, mais là ça va prendre un peu plus de temps.

''Sur la formation drone, on y va franchement et carrément'', s'enthousiasme Jérôme Verschave, le Directeur général d'Arocampus

 

@!: Et l’activité autour des drones…?
F.V.: Sur la formation drone, on y va franchement et carrément. A la fois on accueille, pour que les entreprises puissent utiliser le lieu parce qu’on a les infrastructures de formation (par rapport à Technowest l’idée ce n’est pas d’accueillir les boîtes à demeure ici), et, parcequ’au sein du cluster, on travaille ensemble sur tout ce qui est relatif à la mise en place des formations de demain. L’évolution des réglementations ne fait que structurer davantage la formation autour du drone, c’est tant mieux, mais il faut suivre… La thématique drone est effectivement un sujet important. Il y a les petits drones mais de plus en plus, il va y avoir des gros drones qui vont voler et qu’il faudra maintenir opérationnels. Ce qui permet de revenir à notre cœur de métier, la maintenance, mais dans le cadre du drone.
On a également un gros sujet sur les outils pédagogiques. On développe actuellement un VMT, Virtual Maintenance Trainer, avec Airbus Helicopters et Telespazio – c’est « l’effet Campus », justement – et qui sera présenté à l’ADS Show, à la fin du mois de septembre. Ce sera sa première présentation officielle. Un VMT, c’est un simulateur de maintenance, ça ne remplace pas les hélicos ou les avions, mais ça facilite l’appréhension de la gestion d’un hélicoptère ou d’un avion ; ça a un vrai intérêt en terme de formation, mais c’est aussi un facteur d’attractivité très fort : c’est beaucoup plus ludique et intéressant, on va dans le détail de ce qu’on veut voir… Le fait qu’on se soit doté de tous ces outils, qu’on ait aussi créé avec Immersion, ID 3D, le premier salon sur toutes les technologies de réalité virtuelle, augmentée, immersive et autres, autant dire les outils de demain qui sont en pleine expansion, c’est vraiment un facteur compétitif pour nous, et notamment à l’international. Quand on a des étrangers qui viennent sur le site, on a certes le château, on a les avions, mais on a aussi, beaucoup, les outils numériques.
Enfin, sur le site, on a un projet de nouvel hangar avion, on va tenter de poser la première pierre lors de la prochaine assemblée générale le 15 septembre. Ce sera le troisième, il sera beau et surtout il servira à accueillir le Rafale, entre autre !

150 chambres d’hôtel de différentes gammes
@! : En termes d’équipements et d’espace avez-vous d’ailleurs encore de la place ?
J.V.:
Au total il y a 26 ha sur le site et on a à peu près 2ha de bâtiments. On a finalisé le plan d’investissement initial de 26 M€ avec ce hangar 3, tel que prévu il y a 5 ans, avec des financements très majoritairement venus de la Région (qui est propriétaire du site), mais aussi du Programme d’Investissement d’Avenir et un peu de fonds de restructuration défense. Sur le haut du site on a tout terminé sauf, une grande salle. On a déjà une salle de 250 places, mais il nous manque une salle de 400 places. En outre on a 300 lits, 150 chambres d’hôtel de différentes gammes.
Maintenant, il faudrait encore augmenter la capacité d’accueil de partenaires et de public en formation… Après le hangar 3, on va relancer du bâtiment pour l’avionique, le câblage, … et l’accueil de partenaires, cette fois sur le bas du site.


@! : Enfin, dernière question sur les récents recrutements, ils ont pour but de soutenir tous ces développements ?
J.V.: En fait, on a d’abord cherché à structurer tout ce qui fait le « welcome » chez nous, tout ce qui fait la vie sur le site. Cela va de la gestion de nos hôtels, tout ce qui va être autour de la satisfaction client, mais aussi sur ce qui a trait au développement d’activités et notamment les contrats en cours en matière de formation. Donc la majorité des gens recrutés sont liés à la formation mais aussi au support. Désormais on est quasiment 100 dont 24 prestataires.

Le site d'Aérocampus à Latresne
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