Evento aux Quinconces : quand l’art contemporain tente d’être populaire


Pour ce premier week-end à Bordeaux, Evento avait jeté l'ancre sur le quai Louis XVIII, à une encablure de la Foire aux Plaisirs. Le temps clément et le brouhaha de fête foraine ont rendu agréable ce premier contact avec les oeuvres, qui pour certain

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 11/10/2009 PAR Vincent Goulet

Incontournable vedette de cette biennale, le pont en pin de Tadashi Kawamata, élégamment jeté par-dessus la chaussée et la voie de tramway, a bien joué son rôle de passerelle entre deux mondes qui s’ignorent généralement : celui, plein de bruit et de lumière de la fête populaire et celui, beaucoup plus éthéré et cérébral, de l’art contemporain. Si certains amateurs de concepts et de performances sont allés ensuite « s’encanailler » sur la place des Quinconces, on a pu également voir des familles chargées de peluches et ballons faire un petit tour sur le quai, ne serait-ce que pour jeter un coup d’oeil sur la Garonne depuis le belvédère de bois dressé par l’artiste japonais. Un premier pari semble ainsi être gagné : le rôle de l’art n’est-il pas de changer notre regard et notre point de vue sur notre quotidien ?

Un musée en plein air accessible à tous
De la fête foraine à la fête de l'artLa voiture transformée en aire de jeu d’Olivier Peyricot est prise d’assaut par les enfants, tout comme la barricade de bronze de Fernando Sanchez Castillo, devenue un lieu d’escalade par les tout-petits, qui n’ont pourtant pas besoin d’être encouragés dans leurs pulsions transgressives. Le haut-parleur de Kristina Solomoukha diffuse des bulles de savon qui vont se noyer dans la Garonne ; l’installation sonore de Florian Hecker distille des sons bizarres, des grattements, des criaillements et autres frottements qui se mêlent aux flonflons de la Foire aux Plaisirs et aux bruits de la circulation ; un grand écran sur la scène montre les supporteurs des Girondins chanter des slogans politiques… Les perceptions se mêlent et emmêlent le visiteur, on ne sait plus trop où on en est. Un second pari vient d’être gagné : faire sentir et réfléchir sur l’urbanité et le sens qu’on peut lui donner.

Le film d’attraction de Dominique Gonzalez-Foerster est à cet égard uneréussite. Projeté sur écran géant, juste dans l’axe du pont Kawamata et de la fête foraine, il permet d’envisager cette dernière comme une véritable oeuvre d’art, vivante et luxuriante. De nuit, il invite à une déambulation réenchantée à travers les lumières et les cris des manèges, les boniments des forains et les effluves des baraques à frites. En revanche, nulle trace des portraits vidéo de Nicolas Lelièvre dans la fête foraine…

Un certain manque de cohésion
RespublicaSi la plupart des oeuvres exposées emportent l’adhésion, certaines n’apparaissent pas sous leur meilleur jour sur les quais : la « Respublica » lumineuse de Nicolas Milhé, qui a été conçue pour être juchée sur les silos à grain des Bassins à flot, apparaît ici décalée. Le procédé a un goût de « déjà vu » et le message manque sans doute de subtilité. La plateforme de chaises de Pedro Barateiro, tournée vers le Pont de pierre, n’apporte à cet endroit rien au regard, l’arbre mort-vivant d’Oscar Tuazon fonctionnerait peut-être mieux dans la blancheur d’un musée que sur cette pelouse où il se confond de façon mal maîtrisée avec les autres arbres…

Le thème directeur choisi par Didier Faustino, « intime collectif », paraît souvent quelque peu plaqué sur les oeuvres. Les médiateurs d’Evento, en charge d’expliquer le travail des artistes au public, sont d’ailleurs parfois bien en peine d’expliquer le lien censé rattacher les oeuvres à cette thématique un peu « fourre-tout ». « Intime collectif » ? Soit, mais chacun de nous n’est-il pas à la fois « intériorité » et « extériorité » dès qu’il sort dans la rue ?

Autre fausse note : les concerts de musique le soir, n’ont souvent aucun rapport avec l’art contemporain et viennent casser le lien fragile, mais réel, qu’Evento a pu nouer avec la Foire aux Plaisirs. Comme s’il fallait absolument en rajouter une couche sonore pour attirer du monde, à la façon de la Fête du Fleuve ou de la fête de la Musique. La recherche d’un bon taux de fréquentation nuit ici au propos.

La qualité plus que la quantité
L’affluence ne semble de toute façon pas être au rendez-vous. Difficile de dire s’il y avait plus de monde ce week-end sur les quais qu’une fin de semaine ordinaire avec un temps agréable. Mais peu importe. Même si l’ensemble parait au final, selon les mots d’une jeune professeur d’art plastique, « un peu maigrichon », les gens s’arrêtent, regardent, discutent avec les médiateurs et médiatrices. Des conversations se nouent entre spectateurs, chacun raconte son expérience, ce qu’est pour lui l’art contemporain. On s’intéresse, on débat, on s’indigne parfois. Là encore, c’est un pari de gagné.

Les oeuvres vont maintenant quitter le quai Louis XVIII pour chacune dériver dans divers quartiers de Bordeaux. On verra alors si les habitants de la ville continueront de s’approprier Evento comme ils ont commencé à la faire ce week-end.

Vincent Goulet

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