Francis Massé, viticulteur et Président de la SAFER Aquitaine Atlantique : « l’avenir est morose pour la filière »


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 19/09/2010 PAR Solène MÉRIC

Face à une crise viticole souvent silencieuse, Francis Massé parle sans détours : « la réalité, c’est qu’il existe des contrats à 611 euros le tonneau, et que le directeur de l’interprofession ne veut pas reconnaître les choses ! Pour lui, Bordeaux peut encore arriver à vendre 7 millions d’hectos, alors qu’à l’heure actuelle on en vend 4,8 millions. Vraiment, on vit dans un rêve ! »
En ce qui le concerne, la crise se matérialise dans ses chais. Parce qu’il se refuse à vendre son vin à 700 euros le tonneau (prix actuel du cours du Bordeaux mais qui n’assure pas la rentabilité des exploitations, ndlr), il accumule les stocks. Lui qui produit principalement du Bordeaux rosé et du rouge en Côtes de Bordeaux, Bordeaux et Bordeaux supérieur, a encore en réserve « tous les Bordeaux Supérieur 2007, toutes les Côtes 2007, toutes la production 2008 et toute la production 2009 ». Si 70% de sa commercialisation part en vente directe et aux cavistes, les vins médaillés, tel son Bordeaux rosé 2009, sont vendus sur le marché de place. Mais signe de crise, sur les 200 hectos qui ont été produits, 37 sont encore en bouteilles dans ses caves. Une chose jusque là impensable pour un vin médaille d’or du concours général de Paris. Pour d’autres exploitations, il raconte que la crise a conduit à des licenciements ou bien encore à des pertes de marchés « parce qu’aujourd’hui, on est rentré dans une conjoncture où les viticulteurs, entre eux, se font objectivement la guerre. »

« La situation des exploitations continue à se dégrader »
Sur le nouveau Plan Bordeaux présenté cet été par le CIVB, il ne peut s’empêcher de rappeler qu’« il y a déjà eu un Plan Bordeaux qui avait aussi de grandes ambitions ». (en 2004-2005 ndlr) Il prévoyait l’arrachage d’environ 10 000 ha de vigne et la fixation d’un prix plancher à 1000 € le tonneau. Mais pour Francis Massé le constat est amer : « ces deux grandes lignes directrices ont été bafouées dès le lendemain de leur annonce! On n’a pas arraché les 10000 hectares prévus, on s’est arrêté quelque part entre 5000 et 8000 ha, et, seulement deux jours après l’annonce de ce plan, un grand négociant de la place achetait à 850 € le tonneau ! » Le plan Bordeaux 2010, c’est donc d’abord « le constat que le premier plan n’a pas eu d’effet. » Pour preuve : « au Crédit agricole, les taux de créances douteuses sont passées de 8 % des encours en janvier 2010 à 12 % au mois de juillet. La situation des exploitations continue de se dégrader; elles perdent en compétitivité, en qualité, et pour beaucoup, elles ne sont plus aux normes environnementales, et loin des cahiers des charges d’agrément des AOC. La grande question est de savoir jusqu’à quand les organismes bancaires vont pouvoir continuer à soutenir certaines exploitations agricoles ? » De rudes constats qui mettent les hommes dans des situations « très compliquées » et notamment « ces viticulteurs qui ont entre 65 et 70 ans car leur exploitation ne sera pas forcément reprise, et beaucoup ne pourront pas avoir de retraite décente. »

Quel avenir pour les surfaces agricoles non exploitées?
Pour Francis Massé, « l’avenir est morose à la fois pour la filière, mais aussi pour l’économie du département puisqu’une exploitation génère 6 emplois ». Dans ses propos, une manière de désespoir que la colère apaise mais surtout d’une grande frustration : « on ne sent pas de la part du négoce, l’envie de remettre au premier plan l’image de Bordeaux. Tous les lundi matin, un de ces grands négociants donne le prix et le volume de la semaine, et tous les courtiers suivent… Pourquoi n’utilise-t-on pas les primeurs comme locomotive pour nous tirer vers le haut ? » Autre sujet d’inquiétude : « que vont devenir ces surfaces agricoles non exploitées ? » Entre exode rural, développement du tourisme vert ou maintien d’une agriculture vivante, même le Président de la Safer Aquitaine Atlantique qu’il est n’ose se prononcer.

Solène Méric

 

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