Interview: Jean-Luc Soulé, président du Festival du Périgord Noir: la dimension culturelle de l’aménagement du territoire nous est chère


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 02/06/2011 PAR Joël AUBERT

@aqui! –  Vingt neuf ans d’existence : le Festival est indissociable de la vie culturelle, économique et sociale du Périgord, au cœur de l’été. Est-ce cela qui explique le soutien constant que vous rencontrez auprès des élus départementaux et régionaux ?

Jean-Luc Soulé – Les liens avec les collectivités, Conseil général de Dordogne et Conseil régional d’Aquitaine sont très anciens, ont existé dès le début du Festival. Nous nous sommes développés de manière progressive; le soutien des élus à ce grand rendez vous culturel, tant en Dordogne qu’en Aquitaine, a semblé tout de suite naturel. Et ce, d’autant que la dimension culturelle de l’aménagement du territoire nous est chère et traduit notre volonté d’être présents sur une quinzaine de sites, de mener des actions en cours d’année également, par exemple ce que nous faisons à Périgueux à travers des rendez vous pour le jeune public… Tout cela contribue à solidifier les liens, sans parler de l’impact économique. Avec toutes les précautions d’usage on était arrivé, à l’issue d’une étude que nous avions conduite, à montrer que le Festival avait un effet multiplicateur de cinq. Entre les effets directs et les effets induits, si on l’applique à un budget d’environ 700.000 euros on arrive à 3 ou 4 millions d’euros, ce qui n’est pas mal dans une zone rurale. Tout ceci explique, cette année encore, que les élus soient attentifs à ce que le festival puisse trouver un développement harmonieux ; d’ailleurs désormais la dynamique public-privé fonctionne bien puisque, maintenant, nous disposons de ressources privées autant que publiques.

@! – 2011 : année Liszt, vous la fêtez dès l’ouverture du Festival en proposant avec les meilleurs des musiciens, la création de Franz et Marie dans les jardins d’Eyrignac, le 4 août. Pourquoi ce choix ?

J.L. S. – Pourquoi Liszt ? Bien entendu à cause du facteur temporel, du bicentenaire de sa naissance. Mais c’est surtout parce que Liszt est un musicien que j’aime depuis très longtemps ; c’est un choix  très personnel; j’ai invité, cette année, une légende du piano qu’on n’entend plus beaucoup en France, Tamas Vasary, un vieux Monsieur qui a 83 ans mais est d’une verdeur, d’une précision magnifiques. Je l’ai revu à Budapest récemment; j’avais acheté les premiers disques quand j’étais adolescent, des enregistrements chez Deutsche  Grammophon, ces disques jaunes de notre enfance. Ils m’avaient introduit à l’oeuvre de Liszt.

Liszt pourquoi ? Parce que, paradoxalement, il est assez méconnu ; on connaît ses concertos pour piano, quelques rhapsodies hongroises … éventuellement des poèmes symphoniques mais ça s’arrête là. Le Liszt d’un piano exigeant, le Liszt religieux ne sont pas très connus. Le concert d’ouverture que l’on produit dans le cadre magique d’Eyrignac, ces amours de  » Franz et Marie », le coté à la fois romantique et tragique de leur lien, surtout quand on pense à la société européenne de l’époque, ces rapports conflictuels entre une femme et un homme que l’art lie et délie au coeur du XIX° siècle seront un temps fort, un moment de notre histoire partagée. Listz a toujours été le plus européen des musiciens avec une partie de sa vie dans ce triangle entre Rome, Budapest et Weimar… Ce spectacle d’ouverture rendra hommage à Liszt dans ce lieu magnifique. De même que la carte blanche offerte au plus « lisztien » des pianistes actuels, Giovanni Bellucci. On trouvera aussi Liszt présent dans plusieurs concerts de la saison. C’est un fil rouge et ça correspond bien  à l’esprit du Festival.

@! – Un autre temps fort sera, cette année encore l’Académie de musique ancienne consacrée à des œuvres de Purcell et Charpentier autour de Michel Laplénie et des choristes et musiciens sélectionnés à Bordeaux et Paris. Le Festival poursuit donc là sa mission de formation des jeunes talents.

J.L. S. –  Dans l’histoire du Festival, nous avons pensé très vite à l’Académie,  comme un complément indispensable. Et cela, à une époque où ce n’était pas forcément évident de dédier, dans un tout petit village, un lieu à la formation des jeunes musiciens, de choristes, dans les différentes disciplines,  une dizaine d’années autour de la voix, autour du quator à cordes et maintenant, de la musique ancienne. Une volonté  d’être présent dans un temps assez long et de bâtir des relations fortes avec des maîtres de grande qualité. Michel Laplénie est de ceux-là; on connaît son enracinement en Aquitaine: il est né à Brive a des liens dans cette région – ce n’est d’ailleurs pas un  hasard si on l’a programmé à Brive en octobre avec Fairy Queen – C’est un axe nouveau que ce développement de l’Académie à Brive dont le député maire est très demandeur…

Le rôle de l’Académie est d’avoir ce rayonnement. Michel Laplénie a su s’entourer, c’est un  remarquable pédagogue. Chaque année nous nous attachons à trouver des oeuvres qui permettent à un grand nombre d’interprètes, à la fois instrumentistes et chanteurs, de se produire. Des œuvres équilibrées ou les rôles peuvent être bien distribués. Outre leur intérêt artistique, les deux opéras sacrés, oratorios de Charpentier et Purcell qu’on a choisis cette année, avec comme thème commun l’hommage à Sainte Cécile, patronne de la musique, sont des oeuvres à la fois très brillantes et très expressives. Elles traduisent la richesse de la musique français et anglaise de cette époque là où la dimension sacrée était fortement publique; songeons à la fameuse ode à Sainte Cécile de Purcell qui a fait, à plusieurs reprises, un tabac à Londres, à l’oratorio de Charpentier, donné lui-aussi, à plusieurs reprises sous Louis XIV. Donc deux œuvres qui résonnent bien et permettent de faire travailler beaucoup de jeunes musiciens ensemble. On retrouvera ces jeunes, lors d’un  autre concert à Auriac.

L’Académie de musique Ancienne qui, comme  toujours, a un relais  avec la musique pour orgue, au mois de septembre, porte cet écho dans les formations, exprime aussi la dimension spirituelle du Festival dans ces lieux exceptionnels que sont l’abbaye  de Saint-Amand De Coly et la cathédrale de Sarlat.

Propos recueillis par Joël Aubert

www.festivalduperigordnoir.fr

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