L’étrange univers de la base sous-marine pour passer le réveillon?


Un battement d'aile, un rai de lumière qui s'efface, le bruit aigre de l'eau sur la tôle rouillée d'une barge abandonnée. L'ancienne base sous-marine de Bordeaux, longtemps abandonnée aux jeux des Bordelais amateurs d'univers étrange, ouvre parfois s

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 26/11/2008 PAR Marie Paule Memy

C’est un monde rassurant, le boulevard Alfred-Daney. Les voitures filent, les bus se croisent, Alex Tissus côtoie les Croisières d’Aquitaine, le MacDo, l’Huître à Flots. Les mâts oscillants de bateaux parfois habités laissent deviner la mer à portée de voile, Corderie, Croisières d’Aquitaine. Et puis surgit l’étrange. Un gros monstre gris endormi , tapi à une encablûre du pont d’Aquitaine, béton mangé, peau plissée, lézardes profondes. La sculpture d’un Gulliver géant de métal signé Michel Lecoeur secoué lors de la tempête de 99 se dresse de guingois, flibustier ou gardien, boiteux et guetteur. « Ne pas stationner, risque de chute de béton » .

Etrange dédale, l’eau est partout, comme la mémoire
Le long de la porte, les sonnettes organisent d’improbables rencontres entre les Grimaldi, la Révolution et Robinson. Des compagnies artistiques ont trouvé refuge dans la partie restaurée et chauffée de la base. Les talons font un bruit d’enfer sur l’escalier de métal. Il est où, James Bond?
Cette base sous-marine a été construite en dix-huit mois durant la seconde guerre mondiale par des ouvriers français ou étrangers souvent prisonniers pour abriter les sous marins allemands et italiens. 42 000 m2 de béton, onze alvéoles en forme de bassin, un dédale de salles aux plafonds culminant à douze, quinze mètres tombeaux de Dieux fantômes. Une énormité assoupie, un temps oubliée mais pas complètement, puis « redésignée » à l’attention du public comme établissement à vocation culturelle, en même temps que de mémoire.
L’eau suinte, le soleil couchant vient baigner le fond d’une lumière fuyante sans cesse en mouvement, partout et nulle part. Des concrétions de calcaire hérissent les plafonds. Les fissures dûes au temps et aux bombes qui n’ont que très légèrement atteint le monstre conçu pour résister aux bombardements, laissent le gel éclater la matière. Alors « l’eau passe, on ne sait jamais bien par où, elle est partout et même où on ne l’attend pas » dit Agnès Lherm, ma guide, surprise lors d’un accrochage par une cascade éructant d’une paroi.

Gradinger en décembre, Stettner en février
Un homme en bleu surgit à vélo lassé des allers et retours dans le labyrinthique édifice. Les pigeons ne s’en lassent pas, que l’on doit traquer si l’on veut rester à peu près maîtres des lieux. Une barge abandonnée suinte la rouille et dans le fond on ne sait vraiement plus quelle est la part du rêve de l’imaginaire depuis que le plasticien Jean-François Buisson s’est emparé de deux ou trois des alvéoles sculptant le métal en des arrangements qui brouillent les pistes du vrai et de l’imaginaire.
Il faut la nuit et les jeux de lumières , les pitreries des artistes pour rendre effervescents les bassins et les méandres de la base sous marine. Danièle Martinez qui en a pris la direction en 2000 s’est battue avec la masse somnolente, glauque et rude. Il a fallu composer entre l’univers fantastique propice à l’accueil de spectacles, musiques, théâtre parfois assez délirants, et la dimension mémorielle des lieux. Elle y a monté un cycle d’expositions de photographes pour l’histoire (Doisneau et Willy Ronis en 2006), une rétrospective Mai 68 entre autres.

Le prochain rendez-vous pourrait être celui du réveillon. Dans le cadre du festival Les Grandes Traversées – musique, théâtre, danse, arts plastiques – Jared Gradinger, danseur, acteur, originaire de New-York vivant à Berlin, invité de l’édition 2008, proposera un menu « Countparty down » de 22h30 à 4 h avec des DJ, du théâtre et des performances. Bar et tapas sur place. Berlin et l’Argentine seront largement présents à l’affiche des Grandes Traversées.
Puis en février et 29 mars, la base devrait recevoir le photographe américain Louis Stettner, 86 ans, pour une rétrospective de son travail sur la photo (sur Paris et New York notamment) mais également ses oeuvres de peintre et sculpteur. Une belle promesse…

Marie-Paule Mémy

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