« The Brides » : ou le conte désenchanté


Desmesure et P. Planchenault
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 28/11/2008 PAR Solène MÉRIC

Une histoire de trahison
« Mon histoire est une histoire de trahison car mon jeune marié a emmené une princesse plus belle que moi loin de la ville, ensemble ils se sont enfoncés dans la forêt, ils se sont mariés et ont disparu à tout jamais. » On le sait dès les premières minutes : il n’y a pas de fin heureuse, pas plus qu’il n’y a de morale à cette histoire. Ici pas de bonne fée pour vous tirer du pétrin ou soulager vos peines, pas de Dieu (il ne vient pas quand on l’appelle), seulement le Diable. Pourtant on est bien dans un conte, les « il était une fois » sont là pour nous le rappeler. Mais le jeune marié est loin de la figure du Prince charmant qui habitait nos espoirs d’adolescentes. Celui là est mégalo, englué dans sa vanité et trouve « les cœurs brisés plus précieux qu’intacts ». L’épousée, quant à elle, n’est pas la jeune fille naïve et belle que l’on connaît; en tous les cas elle ne l’est plus ; elle traîne sa peine et la douleur de sa désillusion d’un bout à l’autre de la pièce.

Un univers théâtral et chorégraphique
Si les figures du conte sont détournées, la structure et la linéarité également. On passe d’un épisode à l’autre sans véritable respect de la chronologie. Les personnages d’ailleurs, n’en sont pas réellement, ils sont plus des évocations que des rôles stables et définis : une épousée normale, une épousée pitoyable, une épousée bicéphale ; ainsi qu’un mannequin de tailleur, un jeune marié et le diable.
Malgré la distribution originale de la pièce qui comporte trois rôles féminins (les épousées), Faizal Zeghoudi a fait le choix de mettre en scène quatre hommes pour interpréter ces « évocations ». Ce choix n’est pas à critiquer, au contraire, il ne met que plus en valeur le travail de déconstruction effectué, balayant au passage la caricature des genres. De même le choix de n’avoir fait appel qu’à des comédiens dans une mise en scène qui allie pourtant univers théâtral et chorégraphique. Il faut dire ici que les acteurs avaient un bon professeur puisque c’est Faizal Zeghoudi lui-même qui les a formés à l’art de la « disponibilité gestuelle » afin de « faire de leurs gestes et de leur mouvement une parole ».

L’homme idéal n’existe pas
The Brides_Novart 2008Du point de vue esthétique, Faizal Zeghoudi, s’est inspiré des contes contemporains pour adultes, les mangas. Dans ces dessins animés japonais, tout atteint la perfection. Selon le metteur en scène « on y retrouve des personnages sexuellement parfaits, dotés de supers-pouvoirs,qui s’en sortent toujours à la fin ». En bref, ils représentent tout ce que The Brides ne veut pas donner à croire. Lorsque, des étoiles plein les yeux, Candy embrasse son Prince, sur un écran en arrière plan, le diable sur la scène rappelle que l’espoir et l’imagination d’un amour parfait ne sont que sources de désillusion et de désespoir. L’homme idéal n’existe pas. La réalité crue s’impose aux fantasmes et aux espoirs laissés par les contes.

La crudité de la réalité
Cette crudité de la réalité est aussi présente dans la mise en scène à travers l’esthétique de Nobuyoshi Araki. Ce photographe travaille sur le bondage, pratique érotique consistant à immobiliser le corps de son partenaire à l’aide d’entraves. A plusieurs reprises, l’épousée se retrouve donc nue, pieds et poings liés à l’entière possession du jeune marié.
Là où les contes de fée laissent place au fantasme et à l’imaginaire, « The Brides » ne propose pas d’autocensure et les spectateurs du Glob Théâtre sont dans un rapport direct avec la scène. Ils n’ont rien à imaginer, rien à fantasmer, et n’ont qu’à subir la réalité désenchantée d’une jeune femme désabusée à qui l’espoir n’est plus permis… A voir.

Crédits photos : Desmesure et P. Planchenault

Solène Méric

Ils restent quelques places pour les représentations à venir !
The Brides
Harry Kondelon // Faizal Zeghoudi
jusqu’au 30 novembre au Glob théâtre
Infos et réservations à la billetterie du Glob :
05-56-69-06-66

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