SIQO: un impact économique pas si évident


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 19/05/2016 PAR Solène MÉRIC

En matière de Signes de Qualité et d’Origine, il n’y a pas eu de génération spontanée, bien au contraire. Désormais strictement établi, réglementé et normé par la loi et les fameux « cahiers des charge », le principe de la valorisation d’un produit, en lien avec sa qualité et son implantation géographique de production, n’a en effet pas attendu les législateurs du 20ème siècle pour séduire. Dès le 17ème siècle, « l’association entre origine géographique et qualité d’un produit est mise en avant, à partir du moment où le produit circule », assure l’historien, Maître de conférence à l’Université de Bordeaux Montaigne, Philippe Mayzie.
« Plus les produits circulent, plus les commerçants vont les hiérarchiser, en utilisant leur origine », explique-t-il. Une classification à l’oeuvre pour les vins, les fromages, les salaisons, les fruits secs… Bref, les produits de longue conservation pouvant supporter les voyages de l’époque, long et non réfrigérés. Une dimension qui démontre qu’au delà de la qualité d’un produit, la mise en valeur d’un lien entre le produit et son origine géographique, c’est déjà aussi, un souci de faire connaître le produit à l’extérieur de son aire de production qui se fait jour. Une sorte « d’export », des provinces vers les grandes zones de consommation, et notamment Paris.

Savoir-faire, recette et consommateur connaisseur
Déjà à l’époque, si ces produits sont sortis du lot, c’est d’une part car « ils correspondaient à des savoir-faire au stade de la production, mais aussi dans le travail de transformation à travers l’intervention d’artisans et donc de « recettes » ». Beaucoup de ces artisans prenant déjà bien soin d’authentifier les produits comme étant les leurs ; la tentation de la contre-façon, n’est pas nouvelle… « Enfin, un troisième espace de valorisation se jouait au niveau des consommateurs et des consommateurs éloignés notamment ». Mais pas n’importe quel consommateur, « un consommateur connaisseur, car sans lui, le lien entre origine et qualité ne saurait être fonctionnel », pointe Philippe Mayzie.
Pour autant, à l’époque, « rien n’est figé », insiste-t-il. Les produits, même si certains existent encore (Jambon de Bayonne et Fromage de Roquefort, certain vins) se sont adaptés à l’évolution des modes de production, des modes de distribution, des modes de transports… mais « leur point commun qui n’est pas transformable, c’est bien leur ancrage historique et l’idée que le « savoir-faire » est aussi important que le « faire-savoir », pour que la valorisation fonctionne.

Déconnexion entre valorisation et valeurUn constat toujours aussi vrai en ce début de XXI ème siècle, insiste à son tour, Olivier Beucherie le consultant en marketing stratégique agroalimentaire. Désormais, les SIQO, bien officiels et réglementés, sont d’ailleurs un élément de cette notoriété. Mais il ne peuvent suffire selon lui, surtout si l’on tente de s’intéresser à l’impact économique de ces signes. « Un signe ce n’est pas un baguette magique. Ca n’est pas le signe tout seul qui va permettre de vendre un produit. Il faut engager une démarche stratégique de qualité avant même de choisir le signe. Sur quel produit, sur quelle gamme, quel réseau commercial, quelles conséquences en terme de politique de prix… ? »
Cela dit, le pari d’analyser l’impact économique des SIQO, reste délicat. Bien que quelques chiffres puissent être trouvés sur les AOP en elle même, « il existe très peu d’outils de suivi en la matière », regrette le consultant. Et ceux que l’on peut trouver ne semblent pas valider la thèse qui aurait pourtant pu paraître évidente selon laquelle plus de valorisation vaudrait plus de chiffre d’affaires. « En 2014, le chiffre d’affaires des SIQO en France, hors Bio, était de 22 Mds€ dont 16 Mds € pour le vin », ce qui est au final une valorisation plus tôt moyenne, mais correcte, au regard du nombre de produits sous signe de qualité en France. Et le constat de la déconnexion entre valorisation des produits et valeurs des prix se constate bel et bien sur certaines filières : les fruits et légumes ont par exemple vu leur nombre de SIQO augmenté, mais la valeur de leur chiffre d’affaires total diminué.
Un constat de déconnexion entre valorisation et valeur aussi visible au niveau européen : l’Espagne est un des pays qui compte le plus grand nombre de produits sous SIQO, et elle est celle qui en tire le plus petit chiffre d’affaires, là où à l’inverse, le Royaume-Uni, n’a qu’un très faible nombre de produits sous SIQO, mais en tire un chiffre d’affaires bien plus important que l’Espagne…. Un constat dont il ne faudrait pas non plus tirer la conclusion inverse, et l’exemple de l’Italie le confirme : les SIQO y sont très nombreux, et le chiffre d’affaires total de ces produits valorisés est dans le haut du classement européen. Au total, c’est donc qu’il y a sans doute bien d’autres critères à prendre en compte pour analyser ces chiffres…

Olivier Beucherie, Consultant en marketing stratégique agroalimentaire aux Assises de l'Origine 2016

Des observatoires pour avoir les bons indicateursPour Olivier Beucherie, d’autres indicateurs devraient en effet être recherchés, à commencer par l’impact économique des acteurs individuels : « quelle marge ? quel excédent ? quelle évolution avant et après le passage sous SIQO ?, etc ». Autres indicateurs à rechercher pour le spécialiste ; « l’impact au niveau du territoire, et notamment en terme de notoriété, ou encore en terme de tourisme »…
Si aux acteurs économiques en eux-mêmes, le spécialiste adresse le message d’une nécessaire stratégie commerciale et marketing « pour savoir comment utiliser l’outil SIQO » ; aux acteurs politiques et professionnels, c’est bien davantage à la création d’observatoire(s) des produits sous SIQO, par filière ou par région, auquel encourage vivement Olivier Beucherie. Une condition indispensable pour pouvoir mettre en place les bons indicateurs de suivi et se prononcer avec certitude sur la question qui était pourtant celle à laquelle on pensait avoir une réponse ce mercredi : l’impact économique des SIQO dans les territoires.
Le travail de rapprochement tout juste entamé entre les trois structures régionales de promotion de l’agroalimentaire (AAPrA en Aquitaine, ARIA en Poitou-Charentes, et le CREPAL en Limousin) évoqué par Jean-Pierre Raynaud, Vice-Président en charge de l’Agriculture à la Région, à l’occasion de son intervention mercredi, sera peut-être l’occasion de poser une telle ambition pour la Grande région et ses 156 produits sous Signe de qualité et d’origine.

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