Jean-Marc Offner, itinéraire d’un urbaniste à la vision métropolitaine


Isabelle Camus
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 30/12/2011 PAR Isabelle Camus

Son directeur général insiste bien là-dessus, « l’a-urba n’est pas l’agence attitrée de la CUB ». Une idée ancrée dans les esprits et perpétuée par la presse locale que ce dernier aimerait bien désinstaller. Car si la Communauté Urbaine de Bordeaux reste le partenaire majoritaire de l’agence d’urbanisme (Vincent Feltesse préside les deux), aux mots Bordeaux et Métropole il ne faut pas soustraire celui d’Aquitaine qui ferme la marche. Une notion d’inter-territorialité importante pour Jean-Marc Offner, diplômé de l’École Centrale de Lilleet de l’Institut d’Études Politiques de Paris, bordelais depuis deux ans et demi, qui se fait fort d’accomplir un métier immergé dans  l’urbain et l’urbanité, « la tête dans les étoiles et les pieds dans la boue ».

Education classique pour vocation précoceD’origine mi-grenobloise, mi-rochelaise, Jean-Marc Offner est né à Paris, en 1953, « par hasard dans le XVIème ». Son père, agrégé de Lettres au CNRS s’intéresse aux pseudonymes et sa mère est ingénieur chimiste et professeur de mathématiques. Ce qui lui vaudra d’habiter rue du Bac, quartier chic s’il en est, dans un HLM d’enseignants, première coopérative (contraste social total). Il y cotoiera André Lagarde, auteur, avec son comparse Laurent Michard, des « Lagarde et Michard« , ouvrages célébrissimes,  anthologies littéraires scolaires en plusieurs volumes sur lesquelles ont planché des générations de lycéens. Bon élève, poussé par ses parents, il fréquente les bons lycées : Montaigne, Louis le Grand… « Des établissements remplis de têtes pleines où tout le monde avait un an d’avance ». En mai 68, le jeune Offner a 14 ans, étudie à Louis le Grand et vivra l’événement en spectateur. Sa révélation à lui, sera sa rencontre avec le sociologue marxiste Henri Lefebvre qui, face aux problèmes urbains, formule notamment la nécessité del’affirmation d’un nouveau droit : le droit à la ville, défini comme un droit à la vie urbaine et à une qualité de vie urbaine. « Cette rencontre dans les murs du lycée avec cet homme, dont les idées redeviennent aujourd’hui à la mode, a été décisive pour moi ». En classe de seconde, grâce aux bourses de voyage Zellidja qui permettent à des jeunes d’effectuer seuls un voyage d’étude sur le sujet de leur choix, dans le pays de leur choix, il réalise un projet d’urbanisme axé sur l’aménagement touristique du littoral Languedoc-Roussillon. En ligne directe avec une mission interministérielle dirigée par le directeur de l’ENA, une étude à la Grande Motte pour séduire les touristes allemands. « De l’aménagement au vrai sens du terme », qui, à 16 ans, lui fera partir à la rencontre de ses interlocuteurs, des ingénieurs environnementalistes, … en Solex.

Amorce d’un parcours urbainS’ensuit un bac S allemand/latin/grec, puis, tout naturellement, une prépa. à Louis le Grand.JM Offner est l'auteur de nombreux ouvrages et articles de revues spécialisées Des études qui le méneront « miraculeusement » (les maths lui passent par dessus-la tête) à l’école centrale de Lille, institut industriel du Nord (le top de la formation au niveau scientifique, technique et entrepreneurial), créatrice d’une option pure et dure d’urbanisme. Un cursus en trois ans au cours duquel il aura le politique, Michel Delbarre, comme professeur de géographie urbaine. En 1974, il effectue un premier stage au Centre d’études techniques de l’équipement (CETE) de Bordeaux; propose ses services à la revue Métropolis, contrepoint à la revue urbaniste de l’époque, où s’expriment des architectes, des géographes et des sociologues. Ingénieur mais pas encore urbaniste, il fait Sciences Po, « pour la culture générale », et passe les deux plus belles années de sa scolarité qui le boostent : « La pédagogie était tellement bonne, j’ai tellement aimé, que je suis sorti lauréat ». Comme Le Corbusier en son temps, il étudie les villes très particulières du M’zab, dans la région du Sahara algérien, grâce à une bourse de la banque Lazard. Tétanisé par les 3 jours du service militaire, il en revient malade et sera exempté. C’est en cherchant du travail, qu’une annonce dans Le Monde l’oriente vers l’institut de recherche sur les transports qui recherche un ingénieur, option sciences sociales, allemand première langue. Tope là ! Cet ingénieur ce sera lui. La carrière de Jean-Marc Offner vient de commencer.

De l’IRT à l’A-urba Dès lors contractuel, il mettra son rêve d’intégrer l’APUR, atelier parisien d’urbanisme, dans sa poche, pour devenir chercheur à l’IRT. De 1978 à 1988, ses travaux porteront notamment sur la marche à pieds urbaine, les effets du métro, les relations entre transports, urbanisme et politique de décision… Comme il donne des cours à l’IUP, il est repéré pour son profil qui cadre avec le Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés de Paris, le LATTS, où il est détaché à l’Ecole des Ponts. Il y restera vingt ans, en deviendra, en 2000, le directeur, responsable d’une équipe de 80 chercheurs, et professeur à l’École Nationale des Ponts etChaussées. C’est ainsi qu’il mènera conjointement une carrière de chercheur etd’enseignant tout en dirigeant de nombreuses thèses de doctorat, à quoi il faut rajouter une carrière d’expert en aménagement et transports, plus la rédaction d’ouvrages techniques et d’articles publiés dansdes revues scientifiques et techniques. À 55 ans, après dix années assez rudes d’animation d’un labo qui marche bien, il se verrait bien attaché culturel dans une ambassade. Il est même sollicité par l’école Polytechnique de Lausannes. Mais le hasard veille et c’est encore une petite annonce dans Le Monde qui décidera de son avenir. L’agence d’urbanisme de la ville de Bordeaux cherche son directeur général. « Je craignais que mon âge soit un handicap, mais j’ai quand même tenté », confit-il. A l’issue d’une très longue procédure de recrutement pendant laquelle il bosse dur pour s’approprier le contexte; après des auditions devant des élus et des pros de l’urbanisme, il finit en lice avec le directeur de l’agence d’urbanisme de Grenoble. Reçu par Vincent Feltesse, puis par Alain Juppé qui « ont la bonne idée de choisir d’un commun accord son profil atypique », Jean-Marc Offner deviendra le nouveau directeur général de l’a-urba, en été 2009.

Intelligence collective pour enjeux métropolitainsAprès une époque très centrée sur la CUB (tram, quais…) doit succéder un projet d’agence conçu pour mettre en visibilité les accords de partenariats. Des accords illustrés par un conseil d’administration où siègent la CUB, la Région, les communes (dont Bordeaux), mais aussi la CCI, l’UJean-Marc Offner, DG de l'a-urba et Vincent Feltesse, son présidentniversité, le Port autonome, l’Aeroport et le projet Euratlantique. Une association de matière grise autant que de moyens pour produire des études et des réflexions en matière d’aménagement global ou aider l’action publique. La révision du Plan Local d’Urbanisme en fait partie, avec une première vague de concertation où désormais le citoyen a son mot à dire, dans l’idée admise que la ville est un projet commun. « Nous croyons à l’intelligence collective, déclarait tout dernièrement Jean-Marc Offner lors des voeux de l’a-urba pour la nouvelle année. « Dans le cadre de notre projection à 30 ans d’une métropole sobre et partenariale, nous vivons un défi intellectuel ». Et les enjeux sont de taille face à la mise en oeuvre d’une agglomération millionnaire qui attire autant les uns qu’elle effraye les autres. Rassurer, expliquer, informer, faire de la pédagogie, démontrer l’attractivité et la pertinence des projets qui émergent, rendre la vie en milieu urbain plus humaine et plus vertueuse malgré sa densification, c’est là tout le challengepour Jean-Marc Offner. Une mission dont ce grand coordinateur entouré de 70 collaborateurs s’acquitte, dans un contexte où les complexités, les problématiques et les inquiétudes vont de pair avec les ambitions et les nécessités, mais qui croit néanmoins, malgré tout et plus que tout, en « la générosité métropolitaine ».

Photo : IC

Isabelle Camus

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