Karim, entre prison et centre de détention, la vie brisée d’un sans-papier


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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 21/05/2009 PAR Nicolas César

L’histoire de Karim commence comme dans un film : comme de nombre jeunes, l’Europe le fait rêver. Il n’a que 13 ans, mais il décide de partir. Il n’en est pas à sa première tentative. Six mois plus tôt, il a essayé, sans succès, récoltant quatre mois de prison. Cette fois, ce sera une réussite. Il vole un bateau à un riche retraité, avec la complicité passive des douaniers et passe huit jours dans la tempête avec un moteur en panne, des vedettes de police à sa recherche. C’est à la nage qu’il échouera sur les côtes européennes.

Ni expulsable, ni régularisable

Là, c’est le retour à la réalité. Exploité à l’âge où la plupart des enfants vont au collège, jamais repéré par l’aide sociale à l’enfance, sans aucune famille et parlant à peine le français, il se retrouve à 18 ans, dans la rue, sans papiers, sans identité, sans repères. En France depuis désormais 19 ans, Karim partage sa vie entre les squats, la prison, et le centre de rétention. Ni régularisable, ni expulsable, en l’absence de documents d’identité d’un pays acceptant de le reconnaître, Il rentre en prison, il sort… Il rentre, il sort… A chaque fois, il dispose d’une semaine, à peine, pour quitter la France, alors même qu’il ne possède pas de passeport et qu’il n’a pas un euro en poche.

Arrêté une douzaine de fois en dix ans

Arrêté plus d’une douzaine de fois en dix ans, il a cumulé, au seul motif de son séjour irrégulier, 46 mois de prison (sans compter les temps de rétention estimés à 4 mois). Si l’on additionnait les interdictions de territoire, on obtiendrait 28 ans… Ses dernières condamnations sont édifiantes : novembre 2007 à Grasse, 10 mois de prison ferme et 3 ans d’interdiction de territoire pour séjour irrégulier ; août 2008 à Bordeaux, 5 mois de prison ferme pour séjour irrégulier. Un espoir est toutefois survenu mardi dernier au tribunal à Bordeaux. Le juge a sollicité une expertise psychiatrique, s’inquiétant de sa santé. En effet, il se demande pourquoi un homme « préfère » passer plusieurs années en prison plutôt que de rentrer dans son pays. Car, aujourd’hui, Karim est profondément meurtri, traumatisé par son passé, sa vie, ses errements. Il a déjà fait plusieurs tentatives de suicide.

Mais, encore une fois, faute de documents d’identité, il est à nouveau incarcéré à la maison d’arrêt de Gradignan en attendant l’avis du psychiatre mandaté et le jugement définitif, le 6 juillet. Un jugement qui ne lévera pas l’interdiction de territoire qui relève de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, et qui ne lui permettra pas d’obtenir un titre de séjour…

Une autobiographie sur Karim

Karim fait actuellement l’objet d’une autobiographie depuis deux ans. Mais, cela vaut le coup. Karim peut nous en apprendre beaucoup : sur lui, sur une Europe sécuritaire et en panne de solution, sur nous-mêmes. Son histoire ne verse ni dans le sensationnalisme, ni dans le misérabilisme, mais elle nous plonge dans l’univers opaque de la clandestinité, où tout le monde se méfie de tout le monde et où rode le spectre de la délinquance », souligne Anne-Marie Maisonneuve, l’auteure bordelaise.

Son cas est loin d’être isolé. Un sondage paru le 3 décembre 2008 dans le journal algérien « Liberté » révélait que » la moitié des Algériens est tentée par la harga » et que 43,8% des personnes sondées connaissent plusieurs personnes dans leur entourage immédiat (famille, amis, voisins) qui ont quitté le pays grâce aux réseaux clandestins.

Nicolas César

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