Talence, ou la politique du « juste milieu »


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 17/10/2018 PAR Romain Béteille

La terre du milieu

C’est la quatrième plus grosse commune de la métropole bordelaise (après Bordeaux, Mérignac et Pessac). En 2017, Talence a changé de maire, après la gouvernance pendant 24 ans d’Alain Cazabonne, depuis devenu sénateur et donc concerné par la loi de non-cumul des mandats. Emmanuel Salaberry a donc pris place dans le fauteuil pour diriger une municipalité dans laquelle il était adjoint aux finances depuis 2014, et autant dire que son absence d’étiquette politique et le fait qu’il ne soit pas un élu métropolitain semblent lui autoriser quelques libertés d’action. A l’aube d’une première année de mandature, Emmanuel Sallaberry s’est prêté à l’exercice des questions-réponses pour tenter d’expliquer et de résumer les grandes orientations d’une ville au carrefour entre le moderne et l’ancien, la préservation de ses échoppes et son récent rachat du château des Arts cet été en étant deux preuves.

Evidemment, la commune de Talence (qui a choisi de mutualiser avec la métropole son seul service informatique) profite elle aussi de l’attractivité bordelaise, avec les effets déjà connus dans l’autre ville, dont l’un des plus importants et la hausse du prix de l’immobilier. Selon un baromètre du magazine Capital, les maisons anciennes valent environ 350 000 euros à Talence contre 250 000 à Cenon, par exemple. Face à l’afflux de nouveaux arrivants, le solde migratoire talençais est plus équilibré qu’ailleurs (environ 10% de la population change chaque année « sans qu’il n’y ait vraiment d’augmentation »), ce qui ne l’empêche pas de réfléchir à ces questions d’un urbanisme plus « raisonné », mot décidément très à la mode dans le coin et qui défie les éventuels clivages politiques. Pour le maire de Talence, « on ne peut pas rester sans réponse. La politique dans ce domaine repose sur plusieurs pilliers : on préserve, on conserve des droits à construire uniquement le long des lignes de transports en commun et on a un urbanisme raisonné et maîtrisé. On applique ces principes depuis un an et ça marche plutôt pas mal. Quand on associe les habitants, on leur montre des choses et on arrive à monter des projets réellement insérés. On a un urbanisme apaisé ».

« On a moins de permis de construire parce qu’on a préservé des quartiers pavillonnaires, continue le maire. L’inconvénient, c’est qu’en ayant moins d’offres, on participe aussi à un renchérissement du prix, mais c’est dans des opérations comme la vente de la salle de La Médoquine, qui aurait pu être vendue beaucoup plus cher (8,5 millions d’euros pour le bâtiment principal) qu’on tente de réguler la spéculation. On est aussi l’une des villes de la métropole à respecter le taux de 25% minimum de logements sociaux, et on en impose 30% à chaque opération immobilière de plus de 1500 mètres carrés ». Dans les préconisations qui seront rendues lors de l’adoption du futur Plan Local de l’Urbanisme (ou PLU) en 2019, la volonté de la commune sera clairement inscrite : pas question de dépasser le R+1, et obligation d’intégrer, dans les projets immobiliers, un coefficient de végétalisation. Réservé au sein de toutes les parcelles, il limitera les capacités constructives des promoteurs mais permettra de « conserver, à l’intérieur des terrains, des zones plantées et fleuries » sur un pourcentage défini en fonction du type de projet immobilier. L’une des communes les plus urbanisées de la métropole n’exprime donc pas la volonté, comme d’autres, de mettre le pied sur le frein mais préfère trouver un juste milieu.

L’important, c’est de participer

Ce dernier passe d’ailleurs par le participatif, un des grands objectifs d’Emmanuel Sallaberry. La mairie a récemment tiré au sort 70 habitants pour construire avec eux une charte de l’urbanisme durable, et a adopté lors du dernier conseil municipal la « charte du bien construire » de Bordeaux Métropole. A Talence, le budget participatif mis en place en 2017 est plus élevé qu’ailleurs sur la métropole : environ 350 000 euros. Instauré en 2017, il bénéficiait d’une enveloppe prévisionnelle de 200 000 euros, mais ce dernier gonfle à 340 000 face aux nombre de propositions retenues, qui a semble-t-il su surprendre. Le plus important bénéficie d’une enveloppe de 110 000 euros et il s’agissait de la création d’un nouveau parc public. Emmanuel Sallaberry avoue lui-même consacrer « entre un quart et un tiers de (son) temps à la rencontre des citoyens » : rencontre tous les quinze jours dans un quartier de la ville (dont, bien sûr, Thouars, emblématique quartier ayant amorcé sa mue il y a dix ans et actuellement dans sa dernière phase de rénovation), distribution de questionnaires, porte à porte et rencontre, un samedi par mois, avec les habitants de la ville, « sans rendez-vous et sans filtre ». Certaines idées issues du budget participatif sont plus audacieuses que d’autres, comme cette benne ou « décharge mobile » déplacée entre quartiers pour éviter les encombrants, un service de prêt de matériel de bricolage gratuit ou encore la végétalisation de certaines zones de la ville, comme certains arrêts de tramway. « La participation des habitants, c’est vraiment un fil rouge pour nous », précise l’élu, qui ajoute que « les étudiants s’investissent de plus en plus dans la ville, notamment dans le budget participatif ». Pour la commune, qui accueille aussi une partie du campus bordelais, l’échéance d’un débat sur « le campus de demain » dans le cadre de Bordeaux 2050 en décembre devrait d’ailleurs être une nouvelle occasion de rebattre les cartes.

Centrisme ferroviaire

Il est sûr qu’il faudra au moins ça pour relever un autre grand défi de la commune et qui est loin de lui être exclusif : la mobilité. Le débat devrait s’ouvrir dans les prochains mois pour définir un mode de transports en commun en site propre, défini comme le « X Talençais » et reliant deux lignes de tramway (B et A au niveau du CHU Pellegrin) et le futur « pôle multimodal » de la gare de la Médoquine, le maire de Talence ne se cachant pas du souhait de sa réouverture. BHNS ou tramway ? Pour l’instant, la mairie n’a pas tranché, et Emmanuel Sallaberry dit ne pas « avoir de religion » sur le sujet, même s’il semble au premier abord préférer l’idée du tramway.

L’autre chantier, on l’a vu, c’est cette fameuse gare de la Médoquine autour de laquelle les choses semblent s’accélérer. En début de semaine, lors du dernier conseil municipal, la mairie a présenté une motion en faveur de sa réouverture, avec en toile de fonds et en argumentaire principal la priorité aux investissements dans les transports du quotidien définie par la loi d’orientation des mobilités. Le sujet n’est pas nouveau, et les arguments non plus pour cette gare fermée aux voyageurs depuis 1949. Mais la congestion automobile conjuguée à l’attractivité galopante semblent être des justifications supplémentaires toutes trouvées. « C’est la seule ville en France de plus de 40 000 habitants à avoir sa gare fermée, répète Emmanuel Sallaberry à chaque occasion qui lui est donnée.  « Elle deviendrait, selon les pré-études qui ont été faites, notamment par la SNCF, l’une des trois gares les plus fréquentées de Bordeaux Métropole. C’est un bassin d’emplois de 140 000 personnes dont on parle, ce n’est pas anecdotique ».

Le maire de Talence a annoncé avoir adressé des courriers en tir groupé auprès de conseillers régionaux, départementaux, de maires (dont ses 27 collègues de la métropole bordelaise) et même à la ministre des transports pour tenter d’accélérer le mouvement. Le chantier est en tout cas loin d’être bouclé, mais une pétition a déjà recueuilli 5500 signatures et une étude d’exploitation sera prochainement réalisée (pilotée par SNCF Réseaux mais co-financée par la région et la métropole), même si le maire s’est avancé à de premières estimations. « La capacité en terme d’accueil, on la suggère entre 4500 et 5000 voyageurs par jour. On serait sur une fréquence comparable à celle de Pessac. Elle a un avantage : c’est la seule qui peut desservir tout le cadran nord du département, notamment vers Le Verdon, mais aussi toute la partie sud. Avoir une vraie vision sur la capacité de desserte, ce sera dans une deuxième étape ». La Médoquine fait en effet partie des quinze gares présentes sur la métropole, et la sous-exploitation de ces dernières en matière de dessertes est régulièrement pointée du doigt, comme lors d’un débat à l’occasion de Bordeaux Métropole 2050 au Rocher de Palmer en juin dernier.

L’annonce d’une éventuelle réouverture pourrait intervenir avant la fin de l’année 2019, et les premières estimations du coupage de ruban envisagent une échéance pour 2022. Pour Emmanuel Sallaberry, le coup politique que pourrait représenter sa réouverture pourrait créer un effet « boule de neige ». « La capacité et la qualité du réseau attirera autant de personnes qu’il sera performant. Ouvrir une gare, ça complète un réseau et en aucun cas ça ne met les gares en concurrence. Je suis convaincu que la desserte ferroviaire de l’agglomération peut vraiment avoir un effet de remplissage très rapide des trains ». Pour l’élu, la récente création du syndicat mixte des transports pourrait, elle aussi, plaider en sa faveur. « C’est une chance. 50% du département habite sur la métropole. Ca fait aussi partie des questions posées par Bordeaux 2050 avec une possiblité d’avoir des pôles qui soient situés à Libourne, Langon, Périgueux et pas forcément concentrés uniquement sur la métropole. Il faut maintenant dépasser les clivages politiques et administratifs restants, mais si on regarde le syndicat mixte lyonnais, on voit que ça fonctionne ». Plus qu’à s’y mettre…

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