Nouvelle-Aquitaine : mobilités et aménagement du territoire en débats


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 04/06/2018 PAR Romain Béteille

Des règles « cadre »

Au sein de la Région Nouvelle Aquitaine, dès qu’il s’agit d’évoquer le volet de la politique de transports et de mobilité, on marche un peu sur des oeufs. Ce lundi 4 juin s’est tenue à Pesssac la seconde Conférence Régionale Permanente sur le sujet. Cette dernière est censée conclure une seconde phase d’ateliers et de concertation autour des volets transports et intermodalités du futur Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET pour les intimes), outil énoncé dans la loi NOTRe, censé être élaboré par chaque région. L’occasion pour le vice-président de la région délégué aux transports, Renaud Lagrave, de faire un point d’étape autour de ce nouveau schéma régional, dont l’objectif est avant tout « de fixer des règles autour des questions de mobilité : les transports de voyageurs, de marchandises, comment on favorise les sites touristiques et comment on fait en sorte qu’il y ait une meilleure fluidité pour que les citoyens qui veulent un transport collectif et sont aujourd’hui obligés de prendre leur voiture faute de moyens puissent le faire dans les meilleures conditions possibles. Ces règles vont se retrouver dans les plans locaux d’urbanisme, dans les schémas de cohérence territoriale et dans tous les outils de planification à l’échelle des territoires intercommunaux. On a essayé de réfléchir avec l’ensemble des acteurs associatifs, les collectivités locales, les professionnels, à la manière dont on pouvait fixer quelques règles intégrables dans ces schémas ». 

Les premiers résultats concrets sont concentrés autour de 13 règles censées apporter un cadre normatif au déploiement, au sein des différents territoires, d’une politique de transports aux conditions globalisées. Dans les faits, ces treize règles sont plus générales que concrètes et brassent un éventail assez large de thématiques centrées autour de ce thème des transports (sachant que le SRADDET régional doit aussi se pencher sur des schémas autour des déchets, de la « cohérence écologique », du « climat air énergie » et de l’intermodalité) : si, au départ, 70 règles avaient été énoncées, elles ont depuis été reserrées et certaines contraintes revues à la baisse pour coller avec les institutionnels, professionnels et associations d’usagers associés à la démarche de concertation. Elles définissent plusieurs volontés : « améliorer la cohérence des réseaux de transports publics, développer de pôles d’échanges multimodaux notamment ceux existants, qu’ils ne soient pas remis en cause à l’occasion de nouveaux documents d’urbanisme, coordonner les plans de déplacement urbain (une vingtaine en Nouvelle Aquitaine), améliorer l’accès aux sites touristiques, aux outils de billettique et d’information voyageur qui doivent être compatible avec tous ceux qui sont aujourd’hui portés par les territoires et demain par le syndicat mixte régional, apaiser les circulations notamment à proximité des pôles d’échanges multimodaux (avec, entre autres, des moyens doux et des possibilités de parking), développer une chaîne logistique entre les marchandises sur la partie ferrée et les zones urbanisées, conditionner les projets d’urbanisation à l’existence d’une offre de mobilité et la prise en compte des impacts, développer les plateformes multimodales (port, transports combinés, triage, ect.) avec des emprises foncières d’ores et déjà à faire, créer des stratégies locales de déplacement qui intègrent de nouveaux services de mobilité dans l’optique de remplacer la voiture individuelle (voies réservées), installer des tiers-lieux prioritairement implantés dans les gares (ferroviaires ou routières) où à proximité et l’amélioration de l’accès à la métropole », a notamment détaillé Renaud Lagrave au moment d’énoncer ces règles censées donner un cadre au législateur.

Un outil supplémentaire

Tout ça est, on vous l’accorde, très général. Mais ce nouveau cadre législatif, qui n’est que la troisième étape d’élaboration du schéma régional (sur sept) s’oppose plus de contraintes dans sa réalisation qu’il n’en impose. « On n’avait pas le droit de faire des règles qui coûteraient trop cher aux collectivités auxquelles elles seront imposées ou qui ne seraient pas en adéquation avec l’amélioration des mobilités, elles sont assez limitées par le législateur mais c’est un peu des règles de bon sens qui vont obliger les collectivités locales, à l’intérieur de leurs documents d’urbanisme. Ça pourra, ici où là, créer quelques sujets de débat : quelle que soit la thématique, s’il y avait déjà des choses prévues dans les territoires, ça risque de se chevaucher un peu », continue Renaud Lagrave. « Le législateur a voulu fixer des règles, on respecte la loi. Ça n’empêche pas d’avoir des choix politiques en parallèle. Concernant le frêt ferroviaire, la Nouvelle Aquitaine consacre 14 millions d’euros pour rouvrir quatre lignes ferroviaires destinées au transport de marchandises contre 12 millions au niveau national pour SNCF Réseaux. On ne va pas attendre le SRADDET pour rouvrir Mont-de-Marsan/Tarbes, faire les travaux sur Niort-Thouars ou faire en sorte de sauver Agen-Auch. Ce n’est pas parce qu’on dit dans les règles qu’il « faudrait que » qu’on n’est pas déjà en train de mettre en place des pôles d’échange multimodaux qui soient les plus efficaces possibles. De la même manière, on dit qu’il faut un système ferroviaire plus efficace sur les territoires, en Nouvelle Aquitaine, on rouvre des lignes ferroviaires et on essaye d’empêcher que certaines ferment (90 millions d’euros pour Bergerac-Libourne, maintien d’Angoulème-Poitiers et Bordeaux-Limoges). Certaines règles sont bien sûr attenuées, mais c’est parce qu’il a fallu trouver un accord global avec l’ensemble des acteurs », conclue Renaud Lagrave.

D’autres raisons expliquent ces précautions générales. Le SRADDET en question doit être débattu par la collectivité régionale en décembre, donner lieu à une enquête publique au deuxième semestre prochain et adopté définitivement fin 2019. Il ne devrait pas s’opposer à un autre gros chantier en cours, le Syndicat mixte intermodal de Nouvelle Aquitaine (ou SMINA), associant 21 agglomérations de Nouvelle Aquitaine, dont Bordeaux Métropole. Ce dernier, doté d’un budget de 1,7 millions d’euros (dont la moitié sont des crédits régionaux) est censé apporter des mesures très concrètes, énoncées lors des dernières Assises de la mobilité. Mais l’élu régional confesse qu’il y a eu « un petit retard à l’allumage » et que la préfecture devrait officiellement entériner sa création définitive le 10 juillet prochain. Si chaque agglomération continuera de développer sa propre politique de transports, « La Région va travailler avec tout le monde autour de trois compétences très attendues : la billetique unique, la coordination de cette autorité de transport et la création d’un système d’information voyageur. On est franchement à l’âge de pierre sur ces questions, et ces trois outils devraient apporter un vrai changement pour ceux qui prennent les transports publics. Tout le monde a percuté qu’en associant ces 21 collectivités à la région, on devait pouvoir sortir quelque chose de plus efficace en ayant un seul billet d’un endroit à un autre de la région, que l’on prenne un vélo, un bus ou autre. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, personne ne se connaît, la question est de savoir comment réunir ensemble toutes les autorités de transports. Le syndicat sera là pour ça ».

Orientations nationales

Le volet mobilité du SRADDET et le SMINA ne devraient donc pas se téléscoper plus que ça. Là où les craintes sont plus prononcées, c’est dans les mesures qui pourraient se profiler au travers de la future LOM au niveau national, la Loi d’Orientation sur les Mobilités. Le 30 mai dernier, la ministre des transports Elizabeth Borne a présenté les premières grandes lignes de ce vaste projet. En plus des mesures les plus commentées comme la création d’une vignette pour les transporteurs routiers censée aider au financement des autoroutes ou un nouvel appel à projet concernant les transports collectifs en site propres sur les quartiers prioritaires ou politique de la ville, les orientations gouvernementales pourraient pousser la région Nouvelle Aquitaine, comme les autres, a mettre de l’eau dans son vin concernant l’élaboration des règles du SRADDET. La loi, qui devrait être examinée par les parlementaires à l’automne, fixerait notamment de nouveaux modes de gouvernance. « On nous dit que les intercommunalités rurales pourraient récupérer la compétence mobilité avec un remplacement du « versement transports » par un « versement mobilité » qui serait dédié aux intercommunalités. Ca voudrait dire qu’au lieu d’avoir 27 AOM (autorités organisatrices de la mobilité) avec des territoires agglomérés, on en aurait 156 qui seraient compétents sur ces questions. Si on considère que chaque territoire doit avoir son propre outil de mobilité, ça risque d’être compliqué. Déjà qu’à 27 agglomérations pour travailler sur le syndicat mixte depuis un an, c’est difficile, s’il faut rajouter 150 personnes autour de la table, ça va prendre beaucoup plus de temps. Ca voudrait dire que chaque territoire serait pilote de son propre réseau. Ce serait une catastrophe, parce que, certes l’intercommunalité intra-rurale aurait la compétence mais avec quels moyens ? », s’inquiète le vice-président de la Région.

La volonté apparemment concrète du gouvernement de donner les clefs et la casquette d’autorité organisatrice aux communautés de communes, préférées au don à la région de nouvelles compétences de transports de proximité (question épineuse, surtout dans la plus grande région de France), ne rassure pas vraiment les débateurs du SRADDET. « On attend d’avoir les résultats des débats parlementaires et le vote de la loi pour voir si ça aura des incidences, mais je ne peux pas imaginer que ça aille contre les SRADETT qui auront été mis en place dans l’ensemble des régions. Par contre, que des nouvelles compétences soient données aux collectivités, c’est possible. On verra comment on organise les choses. Le sujet qui va arriver sur la table, c’est de savoir à qui ira le « versement mobilité ». La bataille rangée des différents acteurs des transports régionaux, après le petit coup de pression du rapport Duron sur les grands projets structurants, devrait en tout cas largement alimenter les débats dans l’hémicyle régional en fin d’année….

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